Le groupe armé nigérian Mend a décrété mercredi une trêve de deux mois, tout en exigeant comme préalable à toute discussion le retrait des troupes fédérales d'une partie du delta du Niger, la zone pétrolière du sud du pays.

Deux jours après avoir spectaculairement attaqué un terminal pétrolier à Lagos, la première opération depuis trois ans hors du delta du Niger, le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (Mend) a donné deux mois aux autorités pour s'attaquer aux problèmes de fond de cette région: pauvreté, sous-développement, partage plus équitable des pétro-dollars au profit des populations locales. «Nous discuterons de fédéralisme fiscal, des rejets de gaz (le très polluant «torchage» produit par l'extraction pétrolière), de certaines exactions», a précisé à l'AFP un porte-parole du Mend.

 

«Je salue cette décision (du Mend). Nous avons clairement fait comprendre que le président est honnête, que le gouvernement est prêt au dialogue pour la paix et le développement», a déclaré à l'AFP Timiebi Koripamo-Agary, le porte-parole du comité présidentiel sur l'amnistie.

 

Tout en se félicitant de la trêve, le nouveau ministre de la Défense, Godwin Abbe, a toutefois déclaré que le Mend n'avait pas à poser de conditions. «Le gouvernement prendra une décision concernant ses troupes quand la situation le permettra et que la loi et l'ordre seront durablement rétablis», a-t-il poursuivi.

 

La trêve du Mend est également une réponse à la libération lundi de son chef Henry Okah, dans le cadre de l'amnistie proposée le 25 juin par le président Umaru Yar'adua aux rebelles qui déposeront leurs armes. Jugé pour haute trahison, Henry Okah, 45 ans, était incarcéré depuis la fin 2007. «Ma libération ne change rien à la situation tant que les problèmes essentiels ne sont pas résolus», a averti mercredi Henry Okah dans un entretien avec le quotidien nigérian Vanguard.

 

La libération en juin 2007 d'un autre dirigeant séparatiste n'avait d'ailleurs pas changé grand chose. Mujahid Asari Dokubo, chef de la «Force des volontaires du peuple du delta du Niger (NDPVF, milice séparatiste ijaw interdite), avait immédiatement réaffirmé le «droit du peuple du delta du Niger à prendre ce qui lui appartient». En clair: le pétrole et le gaz dont le Nigeria tire 90% de ses devises. Mais à cause du Mend, la production d'or noir a baissé d'un tiers depuis 2006 à 1,8 millions de barils par jour (mbj) contre 2,6 mbj il y a trois ans. Dans un rapport remis début décembre au président Yar'adua, un «comité technique» sur le Delta recommandait que la part des revenus pétroliers et gaziers qui revient aux États du Delta (notamment Delta, Bayelsa, Rivers, Akwa-Ibom) passe de 13 à 25%.

 

Pour le Mend, «soixante jours, c'est suffisant pour présenter à l'assemblée nationale un amendement constitutionnel en faveur d'un véritable fédéralisme fiscal». Selon le système actuel, chacun des 36 États de la fédération reçoit une allocation budgétaire déterminée par les autorités fédérales d'Abuja. Le même comité, dirigé par un représentant du peuple Ogoni (une ethnie du Delta), Ledum Mitee, avait aussi recommandé un retrait des forces en présence. Comme «préalable obligatoire» à tout contact, le Mend exige le retrait des forces policières et militaires de la Joint Task Force (JTF) d'une partie de l'État du Delta.

 

Le Mend avait décrété une trêve en septembre mais avait repris ses opérations en janvier. Le 13 mai, la JTF a déclenché une vaste opération de «nettoyage» dans l'ancien royaume de Gbaramatu, dans l'ouest de l'Etat du Delta, qui selon Amnesty International, a entrainé de nombreuses exactions et d'importants déplacements de populations. Le Mend avait répliqué en déclenchant le 7 juin «une guerre du pétrole totale».