Depuis hier soir, le Ghana a l'honneur d'être le premier pays de l'Afrique noire à accueillir le premier président afro-américain des États-Unis. Barack Obama profitera de sa brève visite dans ce pays modèle pour prêcher la bonne gouvernance et visiter un haut lieu de la traite des Noirs.

À la veille de sa première visite en Afrique, à l'âge de 26 ans, Barack Obama se trouvait, de son propre aveu, dans une position inconfortable: «Un Occidental pas tout à fait chez lui à l'ouest, un Africain se rendant dans un pays rempli d'étrangers», comme il l'écrivait dans son premier livre, Les rêves de mon père.

 

Vingt-deux ans plus tard, l'Occidental pas tout à fait chez lui à l'ouest occupe la présidence des États-Unis, le plus puissant pays du monde. Et l'Africain n'est plus en territoire inconnu sur le continent noir. «Vous êtes mes frères et mes soeurs», déclarait-il en août 2006 au moment de son troisième voyage au Kenya, où il avait reçu un accueil triomphal en sa qualité de sénateur de l'Illinois.

Et c'est le message d'un frère sympathique mais exigeant que livrera aujourd'hui Barack Obama à Accra, capitale du Ghana, où il effectue depuis hier soir un séjour bref - il rentrera à Washington en fin de journée - mais hautement symbolique. Son discours devant le parlement ghanéen, au cours duquel il insistera sur la bonne gouvernance, constituera le point fort d'une visite qui sera assortie d'un volet touristique émouvant.

Accompagné de sa femme, le président américain doit en effet visiter le fort esclavagiste de Cape Coast, à deux heures de route d'Accra, d'où sont partis beaucoup d'esclaves noirs pour le «voyage sans retour» vers l'Amérique. Un voyage auquel ont été forcés les ancêtres de la première dame des États-Unis.

Pourquoi le Ghana?

Mais pourquoi Barack Obama a-t-il choisi d'effectuer sa première visite comme chef d'État en Afrique subsaharienne au Ghana plutôt qu'au Kenya, la patrie de son père, ou au Nigeria, le pays le plus populeux du continent?

Le président américain a justifié son choix en faisant valoir que le Ghana était un exemple de stabilité et de bonne gouvernance dans un continent où l'instabilité et la corruption ne représentent pas l'exception. Ce pays d'Afrique de l'Ouest a connu deux changements de régime par la voie d'élections libres et équitables dont les dernières, tenues en décembre, ont permis au candidat de l'opposition, John Atta-Mills, de remporter de justesse l'élection présidentielle.

«Je pense que le nouveau chef de l'État, le président Mills, a démontré son engagement envers l'État de droit, un engagement de nature démocratique qui garantit la stabilité du pays», a déclaré Barack Obama dans une interview à AllAfrica.com diffusée mardi. «Et à mon avis, la gouvernance et la prospérité sont directement liés. Les pays bien gouvernés, stables, dont les dirigeants reconnaissent qu'ils doivent rendre des comptes à la population et que les institutions sont plus fortes qu'une personnalité, quelle qu'elle soit, sont généralement ceux qui produisent des résultats pour les populations. Et nous voulons appuyer ce message.»

Le gouvernement du Kenya, aux antipodes de celui du Ghana, est né de la crise postélectorale qui a ensanglanté le pays l'an dernier. Le Nigeria, de son côté, a tenu en 2007 des élections également violentes et jugées frauduleuses par plusieurs pays, dont les États-Unis.

En entrevue comme en conférence de presse hier, le président américain a par ailleurs refusé de chercher dans l'héritage du colonialisme des excuses aux problèmes actuels de l'Afrique.

«Je pense connaître l'histoire de l'Afrique aussi bien que ceux qui m'ont précédé dans ces fonctions, a-t-il dit à AllAfrica.com. Et je peux vous expliquer en long et en large pourquoi les cartes coloniales qui ont été dressées ont contribué à déclencher des conflits, et vous parler des termes défavorables des échanges commerciaux de l'époque qui a suivi le colonialisme.

«Et pourtant, la réalité, c'est que nous sommes en 2009. L'Occident et les États-Unis ne sont pas responsables de la situation économique du Zimbabwe des 15 à 20 dernières années. Ils ne sont pas non plus responsables de certaines politiques désastreuses que nous avons pu voir à l'oeuvre ailleurs en Afrique. Et je crois qu'il est très important que les dirigeants africains assument leurs responsabilités et soient obligés de rendre des comptes. Et je pense que les populations africaines le comprennent.»

La bonne gouvernance n'est sans doute pas la seule raison qui a poussé Barack Obama à opter pour le Ghana, pays également visité au cours des dernières années par Bill Clinton (1998) et George W. Bush (2008).

Le Ghana a découvert d'importants gisements de pétrole et de gaz dans le Bassin de Tano au cours des deux dernières années. Le pays a un besoin urgent d'investissements directs pour l'exploitation commerciale de ces ressources.

 

Hétu, RichardUne compréhension «personnelle» de la pauvreté

Même s'il n'a pas choisi le Kenya pour son retour symbolique en terre d'Afrique, Barack Obama a beaucoup parlé de la patrie de son père au cours des derniers jours pour étayer ses positions vis-à-vis du continent.

«J'ai des membres de ma famille qui vivent encore aujourd'hui dans des villages où la faim est une réalité. C'est donc quelque chose que je peux comprendre à un niveau personnel», a déclaré le président américain hier pendant une conférence de presse en Italie, où il commentait l'engagement des pays du G8 à mobiliser 20 milliards de dollars sur trois ans pour lutter contre la faim dans le monde.

Barack Obama a également fait allusion à son père en établissant un parallèle entre le Kenya et la Corée du Sud.

«Lorsque mon père a quitté le Kenya pour les États-Unis, au début des années 60, les PIB du Kenya et de la Corée du Sud n'étaient pas équivalents - celui du Kenya était en fait plus élevé. Que s'est-il passé en 50 ans?» s'est-il interrogé, avant de déplorer le «manque de transparence» des gouvernements kényans.