L'Égypte, flattée d'être l'élue, espère de Barack Obama qu'il porte jeudi au Caire la «bonne parole» d'une Amérique en quête de réconciliation avec le monde musulman.

«Comme jamais, les attentes comme les doutes, sont aussi immenses qu'exagérés», résume l'éditorialiste Ossama Saraya à la une du quotidien gouvernemental al-Ahram, avant la visite du président américain.

Plutôt qu'à l'université d'al-Azhar, la grande référence islamique, c'est sous la coupole de la centenaire université du Caire que M. Obama doit s'adresser au monde musulman lors de cette visite de quelques heures.

Après huit ans de relations malaisées, en particulier sur les droits de l'Homme, avec l'administration Bush, le régime de Hosni Moubarak s'enorgueillit du choix de l'Egypte, où vit un quart de la population du monde arabe.

«Le Caire est le lieu adéquat. Ailleurs, son discours aurait eu deux fois moins d'impact», a estimé le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit.

Il a considéré «essentiel» que les Etats-Unis «adoptent une position impartiale» dans le conflit israélo-palestinien, sans attendre «sine qua non» un plan détaillé dans le discours très attendu d'Obama.

Le Caire, qui a de mauvaises relations avec Téhéran, ne tient pas pour autant le cas du nucléaire iranien comme «prioritaire» par rapport à la paix au Moyen-Orient, a souligné le porte-parole de la présidence Souleimane Awad.

Le président américain vient de presser, sur un mode ferme, le nouveau gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu d'accepter la création d'un Etat palestinien et le gel de la colonisation.

La résolution du conflit est «un facteur essentiel dans l'esprit de nombreux Arabes dans la région et au-delà». Il serait «inapproprié pour moi de ne pas en parler» jeudi, a-t-il précisé.

Avant l'Egypte, il se rendra mercredi en Arabie Saoudite pour rencontrer le roi Abdallah, initiateur du plan de 2002 endossé par la Ligue arabe (reconnaissance d'Israël en échange des territoires palestiniens occupés).

Mais le président américain a annoncé vouloir délivrer «un message plus vaste» sur la voie qu'entend suivre Washington pour ouvrir un meilleur chapitre après la guerre en Irak, ou la «lutte contre le terrorisme».

M. Obama a déjà proclamé en Turquie début avril, pour sa première visite dans un pays musulman, que les Etats-Unis n'étaient «pas et ne seraient jamais en guerre contre l'islam».

Il a aussi souligné que la nouvelle donne entre l'Amérique et le monde arabo-musulman devrait être basée sur «des intérêts mutuels» mais aussi sur «un respect mutuel».

«Respect, c'est un mot important. Mais des actes devront lui faire écho, et des deux côtés, car les régimes arabes sont aussi critiquables», estime Amr Choubaki, chercheur au centre d'études politiques et stratégiques d'al-Arham.

Alors que M. Obama s'entretiendra en tête-à-tête avec le président Moubarak, 81 ans, au pouvoir depuis 27 ans, l'opposition et les organisations des droits de l'Homme redoutent d'être les oubliées de sa visite en Egypte.

L'admnistration Bush avait fermement prêché la démocratie au régime égyptien avant de tempérer cette exigence devant la percée de la confrérie islamiste des Frères musulmans aux législatives de 2005.

Pour l'opposant libéral Ayman Nour, qui vient de sortir de trois ans de prison, la visite du président américain «semble être destinée aux régimes et au pouvoir en place, et pas au peuple».

«Nous sommes très étonnés que la société politique et civile égyptienne soit ignorée, donnant l'impression que les intérêts de l'Amérique priment sur ses principes», a-t-il commenté.