Le mystère plane toujours sur l'identité, les motivations et les exigences des ravisseurs de deux humanitaires - une Française et une Canadienne - enlevées il y a trois semaines au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie à un conflit complexe.

Un groupe d'hommes armés inconnus affirmant s'appeler les «Aigles de la libération de l'Afrique» a enlevé le 4 avril à Ed el-Fursan, à 80 kilomètres au Sud de Nyala, la métropole du Darfour, la Française Claire Dubois et sa collègue canadienne Stéphanie Jodoin. La presse locale faisait état au début d'une onéreuse demande de rançon en échange de la libération des deux membres de l'ONG française Aide médicale internationale (AMI), mais les ravisseurs ont ensuite nié vouloir de l'argent et plutôt exigé la tenue d'un nouveau procès dans l'affaire de l'Arche de Zoé.

Six membres de cette organisation avaient été condamnés en 2007 par la justice tchadienne pour avoir tenté de transférer du Tchad vers la France 103 enfants présentés comme orphelins de la guerre civile au Darfour.

Ces membres avaient été transférés dans des prisons françaises fin décembre 2007 et graciés trois mois plus tard par le président tchadien Idriss Deby Itno, ce qui avait conduit à leur libération.

«Nous avons tenu des négociations (cette semaine) avec les autorités tchadiennes, mais les négociations sont rompues», a déclaré samedi à l'AFP, un des ravisseurs joint sur son téléphone satellitaire. Ce dernier affirmait se trouver dans l'ouest du Darfour, tout près de la frontière avec le Tchad voisin.

Or «le gouvernement tchadien n'a aucun contact avec ce groupe. Une fois de plus, le Soudan veut coûte que coûte nous impliquer dans cette affaire», a affirmé plus tôt cette semaine à l'AFP le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement tchadien Mahamat Hissène.

Le Soudan et le Tchad entretiennent des relations tumultueuses, chaque pays accusant notamment l'autre de soutenir des mouvements rebelles chez son voisin.

Le chef de la rébellion tchadienne Timan Erdimi, dont l'essentiel des forces est actuellement au Darfour soudanais, a dit ne pas être impliqué dans l'enlèvement des deux humanitaires. «L'Arche de Zoé ça ne nous intéresse pas», a-t-il dit à l'AFP, soulignant que son mouvement se consacrait plutôt à renverser le pouvoir tchadien.

Les ravisseurs avaient affirmé cette semaine être à la recherche d'une solution pacifique, ce qui avait ravivé l'espoir d'une libération rapide des deux otages.

Ali Mahmoud, le gouverneur du Darfour-Sud, province où elles ont été enlevées, a dit cette semaine au Centre soudanais des médias - un organe de presse proche des services de renseignement - que la crise était sur le point de se résoudre et que les ravisseurs commençaient à faire preuve de flexibilité.

Il s'agit du deuxième enlèvement d'humanitaires au Darfour depuis le mandat d'arrêt émis le 4 mars par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar el-Béchir pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour.

Quatre employés de la section belge de l'ONG française Médecins sans frontières (MSF) - un Français, une Canadienne, un Italien et un Soudanais - avaient été enlevés le 11 mars à Saraf Omra, au Darfour-Nord, dans un secteur contrôlé par des milices arabes, mais avaient été libérés trois jours après.

Les autorités du Darfour-Nord avaient piloté les négociations avec leurs ravisseurs, mais cette fois l'identité du négociateur - si négociateur il y a - n'a pas été dévoilée par les autorités soudanaises, françaises et canadiennes, ainsi que par l'ONG.