Fort d'une réélection sous forme de plébiscite jeudi, le président algérien Abdelaziz Bouteflika aura toute latitude pour imposer sa politique mais sa tâche sera difficile tant les défis économique, social et sécuritaire sont grands, estiment des observateurs.

Avec 90,24% des voix exprimées et surtout une participation de 74,54%, selon les chiffres officiels, M. Bouteflika, qui briguait un troisième quinquennat au nom de la «stabilité» et de la «continuité», a laminé ses cinq adversaires qui prônaient la «rupture», notaient samedi la plupart des quotidiens algériens.

Les deux représentants de la mouvance islamique modérée, Mohamed Saïd et Djahid Younsi, notamment ont obtenu des scores dérisoires (0,92% et 1,37%) à ce scrutin boycotté par l'opposition traditionnelle qui a d'ailleurs contesté le taux de participation.

«Ce sera la continuité à 100%, personne ne pourra remettre en cause les orientations du président et l'argent est là», affirme à l'AFP Rachid Tlemçani, professeur en sciences politiques à l'Université d'Alger, en soulignant que «la classe politique et les acteurs économiques lui ont fait allégeance» pendant la campagne.

M. Bouteflika a promis un plan de développement de 150 milliards de dollars axé notamment sur les petites entreprises, la création de trois millions d'emplois et la construction d'un million de logements.

Pour les observateurs, il pourra aussi poursuivre sa politique sur le sujet très sensible de la réconciliation nationale, avec une éventuelle amnistie générale évoquée, sous condition d'un référendum, durant sa campagne.

Cette politique suscite toujours une certaine opposition, «mais pas sous forme de courant politique», estime M. Tlemçani, tandis que le quotidien francophone Liberté définit ce dossier comme «une épine douloureuse dans des plaies mal pansées».

M. Bouteflika a engagé dès son premier mandat cette politique pour mettre fin à une décennie de violences islamistes, ponctuées d'attentats aveugles, de meurtres et de massacres collectifs qui ont fait plus de 150.000 morts.

Une loi sur la Concorde civile puis une Charte sur la paix, adoptées par référendum en 1999 et 2005, ont permis la reddition de milliers d'islamistes.

L'amnistie évoquée bénéficierait à ceux qui déposeraient définitivement les armes, M. Bouteflika promettant une lutte sans merci contre les irréductibles, alors que les islamistes armés sont toujours actifs dans certaines régions.

Mais le président devra également faire face à une situation sociale difficile, au moment où la flambée des prix restreint le pouvoir d'achat des Algériens déjà victimes en nombre du chômage (11,3% de la population active officiellement), tandis que l'Etat a 140 milliards de dollars de réserve, relevait la presse.

«C'est le chaos», dit M. Tlemçani. «Il n'y a pas de représentativité syndicale réelle au niveau national et les syndicats autonomes, seuls canaux d'expression actuellement, seront visés», poursuit le politologue. «Le fossé entre le pouvoir et la population risque de se creuser».

Ces syndicats, principalement actifs dans l'enseignement et la santé, déclenchent régulièrement, en vain, des grèves, principalement pour obtenir l'amélioration des salaires.

Le politologue craint que le chômage n'augmente et que la violence sociale, surtout chez les jeunes, ne s'aggrave, prenant en exemple la «prise en otage» de responsables politiques dans des conflits locaux, régulièrement rapportée.

Dans ces conditions, il sera «difficile» à M. Bouteflika «de redonner confiance et espoir à une jeunesse désabusée, au comble du désespoir», écrit le quotidien francophone indépendant El Watan.