Le président soudanais Omar el-Béchir a bravé de nouveau jeudi un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) en se rendant en Libye où il a été reçu par Mouammar Kadhafi, président en exercice de l'Union africaine et fidèle allié du régime de Khartoum.

M. Béchir est arrivé en début d'après-midi à Syrte, à 600 km à l'est de Tripoli, où il a été reçu aussitôt par le numéro un libyen, selon l'agence libyenne Jana.Au cours de cet entretien, le président soudanais a exprimé «sa gratitude envers le frère leader et le peuple libyen pour leurs positions soutenant le Soudan et son peuple».

Il a salué par ailleurs «l'annonce immédiate par la Libye de sa position explicite et déterminante», rejetant le mandat de la CPI émis contre lui le 4 mars pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003, toujours selon l'agence.

La Libye avait affirmé aussitôt que ce mandat était une «décision illégale» qui ne l'engageait pas.

Le colonel Kadhafi avait de son côté apporté un soutien indéfectible à M. Béchir, estimant que le mandant de la CPI était «un grave précédent contre l'indépendance des petits Etats, leur souveraineté et leurs choix politiques».

Selon lui, la CPI applique «une politique de deux poids deux mesures, en ciblant les Etats africains et ceux du tiers-monde».

La visite de M. Béchir en Libye, dont la durée n'a pas été précisée, est la troisième à l'étranger depuis l'émission du mandat d'arrêt de la CPI.

Il a déjà défié la CPI deux fois cette semaine, par des visites lundi en Erythrée puis mercredi en Egypte où il s'est entretenu respectivement avec les présidents érythréen Issaias Afeworki et égyptien Hosni Moubarak.

La visite de M. Béchir en Libye a été annoncée à la dernière minute à Khartoum, alors qu'un responsable du bureau de la présidence soudanaise avait indiqué plus tôt que M. Béchir se rendait jeudi en Ethiopie.

Les responsables soudanais n'ont pas précisé si le voyage annoncé en Ethiopie était du bluff, s'il a été annulé pour des raisons diplomatiques ou sécuritaires ou simplement reporté.

L'arrestation du président Béchir incombe aux Etats car la CPI ne possède pas de force de police propre. Mais la Libye, l'Egypte et l'Erythrée n'ont pas ratifié le traité de Rome, le texte fondateur de la Cour.

Le procureur de la CPI, l'Argentin Luis Moreno-Ocampo, avait affirmé le 4 mars «qu'il n'y a pas d'immunité pour Omar el-Béchir (...). Dès qu'il voyagera dans l'espace aérien international, il pourra être arrêté».

Les 22 membres de la Ligue arabe comme les 53 Etats de l'Union africaine (UA) se sont prononcés contre le mandat d'arrêt et ont entamé des procédures auprès du Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il suspende la procédure.

Aussitôt après la décision de la CPI, Khartoum avait ordonné l'expulsion de 13 des plus importantes ONG internationales actives au Darfour, les accusant de collaboration avec la Cour et d'espionnage.

Lors d'un entretien téléphonique avec le numéro un libyen le 7 mars, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait appelé le colonel Kadhafi à «déployer ses efforts auprès du Soudan afin de permettre aux organisations humanitaires de rester au Darfour, affirmant que «ces ONG n'avaient rien à voir avec les questions juridiques et politiques».

La guerre civile au Darfour a fait 300 000 morts depuis 2003 selon l'ONU --10.000 selon Khartoum-- et 2,7 millions de déplacés.