Le président soudanais Omar el-Béchir s'est rendu lundi en Erythrée pour son premier voyage officiel à l'étranger depuis l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre par la Cour pénale internationale (CPI) qualifié par ses hôtes érythréens «d'insulte» à l'Afrique.

«Il est en visite pour une journée, il s'agit d'une visite très normale entre deux présidents. Il répond à une invitation du président Issaias Afeworki», a déclaré à l'AFP par téléphone le ministre érythréen de l'Information et porte-parole du gouvernement, Ali Abdu.

«L'Erythrée considère que la décision de la CPI est irresponsable et constitue une insulte à l'intelligence des pays africains», a-t-il ajouté.

Les deux dirigeants «se rencontrent aujourd'hui (lundi) à Asmara et vont discuter de questions bilatérales et régionales», a-t-il précisé.

Un mandat d'arrêt a été délivré le 4 mars contre M. Béchir par les juges de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour.

La région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, est le théâtre d'une guerre civile depuis 2003, qui a fait 300.000 morts selon l'ONU, mais seulement 10.000 selon Khartoum, et 2,7 millions de déplacés.

Le conflit opposait à ses débuts deux grands mouvements rebelles aux troupes gouvernementales appuyées par des milices arabes, mais la rébellion s'est depuis fragmentée.

Le 11 mars, les médias érythréens avaient annoncé que le gouvernement de M. Afeworki avait invité officiellement le président el-Béchir à venir en visite à Asmara, en signe de solidarité contre le mandat d'arrêt de la CPI.

Dans une lettre au président soudanais, son homologue érythréen, Issaias Afeworki, exprimait «le soutien ferme et durable» de son pays et invitait M. Béchir à visiter Asmara «dans un proche avenir», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères érythréen.

«Les allégations de la CPI visent la souveraineté du Soudan et son intégrité territoriale», a estimé Asmara, jugeant le mandat d'arrêt «injustifié, inacceptable et futile».

L'Erythrée, comme le Soudan, entretient des relations tendues avec l'Occident, notamment avec les Etats-Unis.

Le président soudanais doit normalement se rendre au sommet de la Ligue arabe fin mars au Qatar, pays qui n'a pas signé le texte fondateur de la CPI.

Le comité des oulémas soudanais a toutefois émis ce week-end une fatwa déconseillant au chef de l'Etat de se rendre au sommet de la Ligue, car il pourrait tomber dans un piège tendu par «des ennemis de Dieu et de la souveraineté nationale».

«Ceci est une fatwa (édit religieux) sur l'inadmissibilité pour le président de la République d'assister au sommet de la Ligue arabe au Qatar dans les conditions actuelles alors que les ennemis de Dieu et de la souveraineté de la nation vous y attendent», souligne le texte de la fatwa diffusé dimanche à Khartoum par des médias locaux.

Les pays arabes, comme ceux de l'Union africaine, qui compte 53 Etats membres, se sont prononcés contre le mandat de la CPI.

Ils ont entamé des procédures auprès du Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il suspende la procédure, conformément à l'article 16 sur statut de Rome qui régit le fonctionnement de la CPI.

Après la décision de la Cour, Khartoum a ordonné l'expulsion de 13 des plus importantes ONG internationales actives au Darfour, en les accusant de collaboration avec la CPI et d'espionnage.