Enlèvements, expulsions, départs pour des raisons de sécurité: les ONG internationales au Darfour traversent l'une de leurs pires semaines depuis le début de la mission humanitaire dans cette région de l'ouest du Soudan, en proie depuis six ans à un conflit complexe.

«Chaque semaine est difficile au Darfour, mais celle-ci a été l'une des pires. Près de la moitié des travailleurs humanitaires ont été expulsés et trois personnes ont été enlevées», résume vendredi un humanitaire occidental.

«C'est une période très difficile, nous sommes très anxieux. C'est un point critique, l'enlevèment de ces humanitaires», dit à l'AFP un travailleur humanitaire européen encore présent au Soudan.

Le Soudan a décidé le 4 mars d'expulser 13 des plus importantes ONG internationales actives du Darfour en réponse au mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI) contre son président, Omar el-Béchir, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour.

Mercredi soir, trois humanitaires occidentaux de la section belge de Médecins sans frontières (MSF) - un Français, une Canadienne et un Italien - ont été enlevés par des inconnus à Saraf Umra, à la lisière du Darfour-Nord et du Darfour-Sud, à quelque 100 kilomètres à l'est du Tchad.

Les convois du Programme alimentaire mondial (PAM), les voitures des ONG et les véhicules de la force de paix ONU-Union africaine sont souvent attaqués au Darfour par des bandits qui revendent les précieux véhicules sur le marché noir.

Mais l'enlèvement d'Occidentaux était un phénomène rarissime depuis le début de la mission humanitaire dans ce territoire grand comme le France où vivent près de six millions de personnes dont 2,7 millions dans des camps de déplacés.

Deux Britanniques liés à l'ONG Kids for Kids avaient été enlevés en février 2005 par des rebelles de l'Armée de libération du Soudan (SLM).

Mais aucun mouvement rebelle n'a revendiqué l'enlèvement des trois humanitaires occidentaux survenu dans le secteur de Kabkabiya.

«Selon nos informations sur le terrain, ce serait des milices arabes locales qui ont fait le coup», a dit à l'AFP un humanitaire sous couvert de l'anonymat.

Les ravisseurs «sont des bandits», a déclaré pour sa part Ali Youssef, directeur du protocole au ministère soudanais des Affaires étrangères.

Les autorités soudanaises ont rapporté que les ravisseurs avaient demandé une rançon, sans préciser la somme demandée ni l'identité des kidnappeurs.

«J'espère que ce (les enlèvements) n'est pas une nouvelle tendance», craint un autre travailleur humanitaire.

L'expulsion de 13 ONG internationales, la fermeture de 3 organisations locales, le départ de Médecins du monde - peu avant la décision de la CPI - et le retrait des sections belge, suisse et espagnole de MSF amputent à court terme de 20 organisations la mission humanitaire au Darfour.

L'ONU estime déjà à plus d'un million le nombre de personnes affectées par l'expulsion des ONG. Khartoum conteste ce chiffre et assure être en mesure de «combler le vide» laissé par le départ des ONG qui mettaient en oeuvre des programmes de l'ONU, comme la distribution des denrées alimentaires.

Le Soudan a publié cette semaine une liste de 19 ONG soudanaises chargées de remplacer les organisations expulsées et le ministère de la Santé a assuré qu'il enverrait 100 médecins au Darfour et des médicaments.

«Les agences de l'ONU, les ONG et le gouvernement (soudanais) n'ont pas la capacité de remplacer toutes les activités (effectuées par les organisations expulsées), certainement pas à court ou moyen terme», a toutefois averti John Holmes, responsable des affaires humanitaires de l'ONU.