L'État congolais évite de blâmer les États-Unis pour «l'holocauste silencieux» qui a fait près de 10 millions de morts depuis 15 ans dans ce riche pays d'Afrique centrale - et qui continue, selon l'ONU, d'y faire 45 000 morts chaque mois.

Mais l'arrivée d'institutions démocratiques avec les élections de 2006 pousse des élus, des médias, et des militants de la société civile à imputer leur drame national au soutien américain (et occidental en général) au régime tutsi du Rwanda.

 

«C'est l'Assemblée nationale, les assemblées provinciales et la société civile qui forcent le gouvernement à affirmer la souveraineté congolaise dans tous les domaines», affirme Mirindi Carhangabo, du Mouvement social pour le renouveau (MSR), influent bloc de députés issus du courant altermondialiste au Congo.

«L'exécutif est faible et le législatif ne peut s'y substituer, mais le pays tout entier veut que l'État dramatise la catastrophe congolaise aux yeux du monde et réclame la fin de l'impunité pour les crimes du régime rwandais chez nous», affirme-t-il. Une dizaine de députés réunis dans des locaux du parti à Kinshasa approuvent ses propos.

Les élus provinciaux de l'est du Congo tiennent le même discours. «La paix au Congo passe par la paix au Rwanda. Au lieu de laisser carte blanche au régime Kagamé (du Rwanda), les États-Unis doivent le forcer à s'entendre avec sa majorité hutue», affirme Léon Bariyanga, président de l'Assemblée provinciale du Nord Kivu.

Pendant qu'Israël bombardait Gaza et que les rebelles prorwandais de Laurent Nkunda tenaient le Nord-Kivu en otage, l'influent quotidien Le Potentiel comparait le Rwanda à Israël - parlant de deux États qui s'étendent aux dépens de leurs voisins sans que les grandes puissances bronchent.

«Kagamé et ses amis ont envahi le Rwanda en octobre 1990. George Bush père était président des États-Unis. Au lieu de dénoncer l'invasion, il a obligé le régime rwandais à partager le pouvoir avec Kagamé, qui a tout raflé après le génocide de 1994. Bill Clinton était alors président. Le Rwanda a envahi le Congo en 1996 et 1998. La guerre a continué jusqu'en 2003. George W. Bush était président et les rébellions soutenues par le Rwanda n'ont jamais cessé», rappelle Rachidi Tumbula, maire de Goma.

Les Américains

Désormais, les Congolais tournent leur regard vers Barack Obama, nouveau président des États-Unis. Après la Suède et la Hollande, qui ont coupé leur aide au Rwanda, Obama va-t-il rappeler le régime Kagamé à l'ordre et laisser les Congolais élaborer leur démocratie?

«On sait qu'Obama, alors sénateur démocrate de l'Illinois, a introduit en 2005 un projet d'aide à la démocratisation et à la pacification de la République démocratique du Congo (RDC). Ce projet, qui prévoit une aide de 50 millions US par an, est devenu loi en 2006 grâce au soutien bipartisan du Congrès», souligne Jean-Vincent Tengetenge, de la Commission Justice et Paix de l'Épiscopat congolais dans les Kivu.

«Le libellé du projet montre qu'Obama saisit toute l'énormité du drame congolais. On ne lui demande pas des troupes. Il n'a qu'à identifier le Rwanda comme source du drame et à pousser Kigali à composer avec sa majorité hutue», dit-il.

Mais beaucoup en doutent. «De puissants intérêts miniers soutiennent le Rwanda et profitent du pillage du Congo. Et la secrétaire d'État, Hillary Clinton, est trop proche de Kigali pour vraiment aider le Congo», estime Habamungu Mirindi, vice-président de l'Assemblée provinciale du Sud-Kivu. .

Malgré cela, les Congolais mettent les chances de leur côté. Le président Joseph Kabila a félicité Obama pour sa victoire «historique». Cela «donne espoir au peuple congolais qui rêve d'une nouvelle aube de paix, d'unité et de progrès», a-t-il dit.

L'exécution de l'accord Congo-Rwanda sur la mise à l'écart de la rébellion de Laurent Nkunda et la traque des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) au Congo, a coïncidé avec l'investiture d'Obama. Et elle a détruit la prétention du Rwanda que la crise des Kivu était «une affaire intérieure congolaise» et démontrée que c'était plutôt «une affaire rwando-rwandaise en territoire congolais».

 

Et le Canada?

Le gouvernement Harper n'a toujours pas répondu à un rapport consensuel du gouvernement, de l'industrie, de la société civile et d'experts qui a recommandé, en 2007, des normes écologiques et de droits de l'homme obligatoires pour les entreprises minières canadiennes oeuvrant dans les pays pauvres. Ce rapport résume le débat au Canada qui a suivi les rapports d'experts de l'ONU sur le pillage du Congo, rapports qui ont identifié plusieurs firmes canadiennes impliquées dans ce pillage. Mais la semaine dernière, Ottawa a retiré le Rwanda de la liste de pays privilégiés par l'aide canadienne.