Depuis la mi-décembre, rien ne va plus à Madagascar. Des manifestations ont fait plus de 70 morts. Les écoles ont dû fermer leurs portes pendant deux semaines. Le président du pays est accueilli dans les campagnes par des jets de pierres. Derrière toute cette agitation: un maire de 34 ans qui veut la tête du président. Tout de suite.

À 25 ans, il était le D.J. le plus populaire de Madagascar. À 30 ans, un homme d'affaires couronné de succès. À 32 ans, le propriétaire d'une station de radio. À 33 ans, le maire de la capitale Antananarivo. Et avant la fin de la semaine, du haut de ses 34 ans, Andry Rajoelina aimerait renverser le président malgache.

 

La vitesse à laquelle le jeune homme mène sa carrière lui a valu un surnom évocateur: Andry le TGV, en référence aux trains français qui circulent à très grande vitesse.

Le sobriquet est loin de l'offenser. Il a choisi de donner le même sigle au parti politique qu'il a créé et qu'il dirige depuis 2007: le Tamora Gasy Vonora. En français, le Parti des jeunes Malgaches déterminés.

Ces jours-ci, le plus déterminé de tous les jeunes Malgaches est au coeur d'une crise politique qui a déjà entraîné la mort de dizaines de personnes. Un bras de fer tant personnel que politique oppose le jeune politicien frondeur et le président du pays, Marc Ravalomanana.

Berlusconi tropical

Tout a commencé fin 2007, quand Andry Rajoelina a remporté les élections municipales contre le candidat désigné par le président. L'ancien D.J. avait mené une campagne à son image: le refrain entraînant qu'il avait conçu pour l'occasion tournait en boucle sur sa station de radio, Viva, achetée quelques semaines avant les élections.

Ses partisans portaient un t-shirt sur lequel son visage de grand gamin souriait à pleines dents. La méthode a porté ses fruits: inconnu sur la scène politique, le fils de colonel né dans les hauts plateaux de Madagascar a récolté 63% des suffrages.

Dès le lendemain de sa victoire, le nouvel élu a lancé ses premières salves contre le président, qu'il accuse de brimer la liberté de presse et de gaspiller l'argent des Malgaches. Homme d'affaires ultrapuissant et propriétaire de la plus grande chaîne de télévision de Madagascar, Marc Ravalomanana est souvent qualifié de «Berlusconi tropical». Le nouveau maire d'Antananarivo n'a pas manqué de dresser le parallèle.

Il a dénoncé sur toutes les tribunes l'achat par le chef d'État d'un avion présidentiel au coût de 60 millions alors qu'au même moment la flambée des prix creusait un trou dans le portefeuille des 20 millions de Malgaches, qui survivent en moyenne avec 300$ par année.

Mais ce n'est qu'en décembre que le conflit entre les deux hommes a tourné au vinaigre. Lorsque le président a ordonné la fermeture de Radio Viva.

Révolution orange

La semaine dernière, lors d'un grand rassemblement au coeur de la capitale, le maire a invité la population à se soulever. Du 26 au 28 janvier, la capitale de l'île a été mise à feu et à sang. Selon des rapports de police, au moins 70 personnes sont mortes pendant les émeutes et les séances de pillage.

Le 31 janvier, le jeune maire est apparu à nouveau devant ses partisans. Un foulard orange noué autour du cou, il a annoncé son intention de mener une révolution citoyenne à Madagascar en s'inspirant de la révolution orange ukrainienne. Les doigts en V au-dessus de la tête, accueilli comme une rock star, il a déclaré qu'il prenait les rênes du pays et a demandé la démission du président. Deux jours plus tard, il a intenté une procédure de destitution contre le chef d'État devant la plus haute cour du pays.

La réplique ne s'est pas fait attendre: mardi, le tribunal a rejeté la requête et le gouvernement a démis le maire de ses fonctions. Le même jour, l'Union africaine a décrété que la tentative de renversement du gouvernement violait la Constitution.

Mais Andry le TGV ne s'en est pas formalisé. Même si le soutien de la rue malgache s'est estompé depuis le début de la semaine, il préparait hier «un gouvernement de transition» qu'il compte diriger. Le trentenaire reconnaît cependant que, quoi qu'il advienne, il ne pourra être président, un poste réservé aux 40 ans et plus. «Je suis jeune, j'ai encore au moins 20 ans de carrière politique. J'ai tout le temps d'arriver à la présidence», a dit le politicien au Figaro cette semaine. Pour certaines choses, le TGV est patient.

Avec Le Figaro, L'afp, Jeune Afrique Et Bbc