Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui entend désormais se faire appeler «roi des rois traditionnels d'Afrique», a été élu lundi à la tête de l'Union africaine (UA) pour un an, lors d'un sommet à Addis Abeba.

Bien que la volonté de M. Kadhafi d'instaurer un «gouvernement de l'Union» conduisant à des «États-Unis d'Afrique» effraie bon nombre de chefs d'État du continent, ceux-ci l'ont élu, essentiellement pour des questions d'équilibres régionaux.

Selon la règle de l'UA, la présidence revenait cette année à l'Afrique du Nord, après l'Afrique de l'Est. Et Mouammar Kadhafi était le seul dirigeant de sa région présent à Addis Abeba.

Des pays avaient tenté en vain de promouvoir une présidence d'Afrique australe.

Plusieurs voix africaines se sont levées pour critiquer son élection, «un mauvais message» aux yeux de la Rencontre pour la paix et les droits de l'Homme (RPDH), une ONG congolaise pour laquelle Kadhafi «exerce un pouvoir autoritaire dans son pays».

«L'Afrique a besoin d'un homme capable de régler ses problèmes avec pragmatisme (...) ce qui intéresse Kadhafi, c'est le pouvoir», selon le président du Forum des organisations nationales des droits de l'Homme (Fonad) en Mauritanie, Sarr Mamadou.

«Il a une conception condamnable de la démocratie. Il estime qu'il faut écraser l'opposition», a renchéri l'opposant burkinabè Hermann Yaméogo.

Pour le président du Mouvement burkinabè des droits de l'Homme et des peuples (MBDHP) Chrysogone Zougmoré, cette élection «peut l'aider à s'assagir».

Selon des sources concordantes, le Guide de la Jamahiriya libyenne a déjà fait passer à ses pairs un message demandant à être désormais officiellement appelé «roi des rois traditionnels d'Afrique», après avoir été récemment «adoubé» par des chefs traditionnels en Libye.

Il était d'ailleurs accompagné au sommet par sept «rois» en costume traditionnel chamarré parfois couvert de métal brillant.

Dans son discours d'adieu, son prédécesseur à la présidence de l'UA, le Tanzanien Jakaya Kikwete, a invité ses pairs à se consacrer davantage au développement économique «pour nous libérer de la honte qui est la nôtre d'être le continent le plus pauvre du monde».

«Nous consacrons beaucoup trop de temps à régler les conflits ou les partages de pouvoir entre nos politiciens», a-t-il insisté.

Le thème officiel du sommet «développement des infrastructures» n'a été abordé que lundi après-midi.

Dimanche, les dirigeants africains ont débattu à huis clos pendant une dizaine d'heures uniquement sur le «gouvernement de l'Union» cher à M. Kadhafi.

Mais les dirigeants ont simplement convenu de changer le nom de la Commission, organe exécutif de l'UA, en l'appelant «autorité africaine». Selon M. Kikwete, cela ouvre la voie à «une institution avec un mandat plus fort, de plus fortes capacités, qui nous dirige vers l'objectif du gouvernement de l'Union».

Après son élection, Kadhafi a «espéré que son mandat (serait) un temps de travail sérieux et pas seulement de mots», insistant sur la nécessité «de pousser l'Afrique en avant vers les États-Unis d'Afrique».

Pour Mohamed Ould Moloud, président de l'Union des forces patriotiques, un parti opposé au putsch du 6 août en Mauritanie, son élection «poussera vers l'unité de l'Afrique» et «donnera plus de force et d'autorité aux décisions de l'Union africaine».

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a assisté à cette deuxième journée du sommet qui devrait s'achever mardi.