Ça frôlait l'hystérie dans plusieurs villes kényanes lorsque les foules survoltées ont déferlé dans les rues pour saluer le couronnement du nouveau président américain, un des leurs.

Assurément, les fêtards les plus euphoriques étaient à Kogelo, le village natal du père de Barack Obama.

«C'est une journée historique ! Barack Obama est un fils de Kogelo. Un fils du Kenya!» s'est exclamé le ministre de la Culture du pays, Silverse L. Anami, un des nombreux dignitaires à avoir fait la route jusqu'au village pour souligner l'arrivée au pouvoir du président américain.

À pied, à vélo, en voiture, parfois serrés comme des sardines à l'arrière d'une camionnette déglinguée - les Kényans, convergeaient sans relâche vers le terrain de l'école du village, aménagé pour l'occasion.

John Opedhi Owino a parcouru des centaines de kilomètres pour assister à la fête. « Je suis originaire de Kogelo, je suis venu célébrer avec mes frères ! » a lancé cet enseignant à la retraite. « Barack Obama est fier de ses origines. Il incarne la main tendue aux autres. Il est comme Jésus Christ !» a clamé David Omondi Oballa, qui habite un village voisin.

Tout aussi inspiré, Brian, un adolescent de Kogelo, souhaite devenir le prochain Obama kényan. «Je vais étudier fort et devenir politicien comme lui», a-t-il assuré, le torse bombé.

À l'heure où le président Obama devait encore dormir (le Kenya a huit heures d'avance sur Montréal), plusieurs milliers de personnes avaient déjà envahi le village.

On n'avait jamais rien vu de tel dans ce hameau tranquille de 4000 âmes.

À l'entrée, une banderole à l'effigie d'Obama pendait entre deux arbres. Pour le grand banquet, des vaches et des chèvres avaient été sacrifiées. Pendant que les villageois découpaient la viande à la machette, des chiens rachitiques rôdaient, la langue pendante. «C'est surtout l'odeur qui dérange», murmure Erin Van Krimen, une travailleuse humanitaire d'Australie un peu dégoûtée par le spectacle. Comme elle, plusieurs employés d'ONG mais aussi des touristes ont pris part à la fête.

Partout sur les lieux, des haut-parleurs crachaient de la musique sur laquelle les danseurs, certains vêtus de paillettes et coiffés de chapeaux multicolores, se trémoussaient.

Autour d'eux, à mesure que le soleil grimpait dans le ciel bleu, les villageois formaient un cercle de plus en plus dense. Macarons, casquettes, t-shirts: plusieurs étaient vêtus aux couleurs d'Obama.

Plusieurs stands de nourriture et de souvenirs bordaient le terrain. Divers organismes avaient aussi profité de l'attroupement pour rejoindre les gens, notamment une clinique ambulante qui offrait des tests de VIH.

À la vue d'un chameau, peu commun dans la région, des dizaines d'enfants surexcités couraient dans tous les sens et déguerpissaient en riant aux éclats lorsque l'animal faisait un mouvement brusque.

Des dignitaires se sont succédé au micro toute la journée pour prononcer des discours en l'honneur d'Obama. «Yes, we can», a lancé, un peu opportuniste, le ministre de la Culture.

En soirée, une mer de monde avait aussi pris d'assaut le parc municipal de Kisumu, principale ville du district. Des milliers de personnes déchaînées dansaient et sautaient, plusieurs hommes torse nu dans la chaleur suffocante, qui avait grimpé d'un cran.

Pour éclairer la piste de danse, faute d'électricité, des fêtards avaient mis le feu à des journaux accrochés à des branches.