Kogelo a toutes les apparences d'un village rural kényan comme les autres. La majorité des habitants s'entassent dans des huttes et survivent grâce à l'agriculture. Seule distinction, c'est ici qu'on trouve les origines de l'homme le plus puissant de la planète.

Ici, l'effet Obama transpire à grosses gouttes, comme la sueur sur le front des villageois de cette zone chaude et aride. La route en terre rougeâtre vient d'être retapée pour faciliter l'accès au village. Ce même chemin avait jusqu'à tout récemment l'air d'un champ de mines.

Le réaménagement de la route menant au village n'est pas le fruit du hasard. Le gouvernement espère faire bonne figure aux yeux des médias qui convergent depuis des mois dans le village, en plus d'espérer attirer les touristes.

Pour freiner l'incessant va-et-vient chez Mama Sara, la grand-mère de Barack Obama, une grille en fer forgé a été érigée devant la maison. Des policiers ont aussi établi leur campement au bout du terrain, d'où ils assurent une surveillance permanente.

Sur la gauche, un réservoir d'eau vient d'être installé. À proximité, des ouvriers s'affairent à la construction de toilettes publiques, pour les visiteurs. Enfin, les villageois auront sous peu l'électricité.

La maison ancestrale de la famille Obama est de loin la plus respectable du village, avec sa cuisinette aménagée dans une vieille grange en bois à l'arrière.

À l'ombre d'immenses manguiers, les tombes en marbres du père et du grand-père du président américain sont côte à côte. Ibed Gi Kwe - repose en paix - peut-on lire sur celle de Barack Hussein Obama père. Les vaches broutent dans les champs des deux côtés du terrain.

Un homme débouche de nulle part, flanqué de trois jeunes garçons. Il habite un village des environs. «Je voulais montrer à mes fils d'où venait M. Obama. Nous sommes fiers qu'un tel endroit soit relié à l'homme le plus puissant de la terre», explique Onkundi Maaga.

À l'arrière de la maison, deux femmes sont assises à l'ombre devant un vieux cabanon. L'une d'elle, au visage fripé, épluche des grains de maïs secs qu'elle jette aux poules. Maimuna Omari est la belle-soeur de Mama Sara. Elle garde la maison en l'absence des membres de la famille partis aux États-Unis assister à l'investiture.

Elle s'exprime lentement en luo, la langue de l'ethnie des Obama. Elle n'a jamais rencontré le président, mais elle a vécu avec son père. Elle se réjouit de l'attention accordée au village. «Barack a ouvert ce village au monde. Je n'aurais jamais rencontré des gens comme toi sinon», murmure-t-elle.

À côté d'elle, Majuna Zubeda, la petite-fille de la soeur de Mama Sara, défait sa vieille robe pour donner le sein à son bébé. Toute la misère du monde est imprimée dans leur visage.

Majuna a rencontré Barack Obama lors de sa dernière visite en 2006. «C'est un homme adorable. Il va travailler pour tout le monde», lance-t-elle avec assurance.

Nelson est un voisin. Sa famille et celle des Obama se côtoient depuis toujours. Son meilleur ami est Saïd, un des oncles du président. Il a rencontré Barack Obama à quelques reprises, qu'il décrit comme un homme authentique et simple. «Quand il était ici, il coupait le gazon à la faux, il lisait beaucoup et s'occupait de sa grand-mère», se souvient-il.

Nelson voue une admiration sans bornes envers Mama Sara, qui cultive encore ses choux à 87 ans. «Barack appelle régulièrement pour savoir si elle va bien et si elle a accès à des médicaments», explique-t-il.

Un peu plus loin, un panneau en bois désigne l'école secondaire du village, rebaptisée Senator Obama Secondary School lors de la visite du nouveau président à Kogelo. Une école en briques aux murs défraîchis, quatre classes, quelques bureaux, peu de livres, aucune fenêtre et pas d'électricité. Les élèves portent un uniforme. Conformément à la coutume locale, les écolières ont les cheveux rasés. L'une d'elle, Lilian Eupheniah Owingah, 18 ans, constate l'effervescence dans le village.

«Avec l'électricité, on aimerait avoir des ordinateurs, s'enorgueillit la jeune femme, qui rêve d'aller étudier la médecine aux États-Unis. Obama est notre modèle, tout le monde veut être comme lui!»

Une autre élève, Mary Dalmas a même chanté pour Barack Obama lors de son passage à l'école. «Beaucoup de gens viennent ici, ce qui va créer du travail, c'est merveilleux! On veut devenir une grosse ville», s'exclame l'adolescente.

Un peu plus loin, les élèves font la queue devant une cafétéria à aire ouverte. Ils traînent leurs gamelles avec eux. Au menu: des haricots.

Quant à Nelson, il n'oubliera jamais la visite d'Obama à l'école secondaire. «Les professeurs étaient alignés devant lui. Il s'est accroupi pour leur montrer qu'il restait pour toujours un élève.»