L'armée éthiopienne, qui luttait depuis deux ans aux côtés des troupes somaliennes contre les insurgés à Mogadiscio, s'est retirée jeudi totalement de la capitale somalienne, étape majeure du plan de retrait total du pays des soldats éthiopiens.

Accueilli avec soulagement jeudi par les habitants de Mogadiscio particulièrement éprouvés par les violences, ce retrait accroît les incertitudes sur l'insécurité dans la ville, ravagée à l'instar d'un nombre croissant de régions somaliennes par une insurrection acharnée menée par les islamistes.

«Je confirme que tous les soldats éthiopiens se sont retirés de la capitale ce matin», a annoncé à l'AFP le porte-parole du gouvernement de transition somalien, Abdi Haji Gobdon.

«Les dernières troupes ont quitté (Mogadiscio) ce matin; le dernier convoi de 30 camions a été vu sur la route menant à Afgoye», localité située à environ 30 km au sud de Mogadiscio, a raconté un habitant, Ibrahim Abdi Mohamed.

«Nous espérons que ce sera le début du bonheur dans la capitale et la fin de deux ans d'ère coloniale», a réagi un autre résident, Abdiwahid Moalim Hussein. Des groupes d'habitants ont manifesté leur joie après le départ des Ethiopiens.

Les civils ont payé le plus lourd tribut dans les affrontements entre troupes gouvernementales et insurgés depuis début 2007, qui ont coûté la vie à plusieurs milliers d'habitants.

Human Rights Watch et Amnesty International ont accusé l'armée éthiopienne de violations des droits de l'Homme - exécutions extrajudicaires, viols, tirs indiscriminés d'artillerie lourde - contre les civils lors de sa lutte contre l'insurrection. Ces accusations ont été catégoriquement rejetées par Addis Abeba.

L'armée éthiopienne avait entamé son retrait de la capitale mardi. L'Ethiopie avait annoncé le 2 janvier avoir entamé son plan de retrait final de ses troupes du territoire somalien, assurant alors que cette opération «allait prendre du temps».

L'armée d'Addis Abeba était intervenue officiellement fin 2006 pour soutenir le gouvernement somalien, et a mis en déroute début 2007 les forces des tribunaux islamiques qui avaient contrôlé pendant quelques mois l'essentiel du centre et du sud de la Somalie.

L'Ethiopie, dont les habitants sont en majorité chrétiens orthodoxes, avait justifié cette intervention en arguant que les tribunaux islamiques menaçaient sa sécurité.

Mais Addis Abeba est soucieuse de s'extraire d'un bourbier militaire car depuis début 2007, Mogadiscio et un nombre croissant de régions somaliennes sont le théâtre d'une guérilla acharnée - visant en particulier les forces somaliennes et éthiopiennes - dirigée par les combattants extrémistes islamistes des «shebab».

Jeudi, le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, a réaffirmé qu'il «n'y aura pas de retour en arrière» sur le retrait total.

Ce retrait fait planer encore plus d'incertitudes sur la sécurité en Somalie, pays pauvre de la Corne de l'Afrique en guerre civile depuis 1991. La force de paix de l'Union africaine (Amisom), déployée depuis mars 2007 essentiellement à Mogadiscio, mais mal équipée et sous-financée, va en effet se retrouver seule sur le terrain.

Les islamistes somaliens ont toujours affirmé se battre contre «l'occupation éthiopienne». Les shebab ont cependant également affirmé qu'ils se battraient jusqu'au départ des troupes de l'Amisom.

Ainsi, le porte-parole des shebab, cheikh Muktar Robow, a prévenu mercredi que ses hommes allaient désormais «concentrer leur combat sur les soldats de l'Amisom».

«Nous ne stopperons pas notre guerre tant que toutes les troupes étrangères n'auront pas quitté notre sol», a-t-il dit à la presse.