Le Rwanda a rejeté hier le rapport de l'ONU l'accusant de soutenir et d'armer la rébellion tutsie dans l'est du Congo mais, emboîtant le pas à la Hollande, la Suède a suspendu son aide budgétaire au régime de Kigali.

Le Conseil de sécurité de l'ONU étudie cette semaine le rapport de 132 pages du Groupe d'experts sur le pillage de la République démocratique du Congo (RDC).

 

Les enquêteurs blâment aussi le Congo pour son appui aux rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), en lutte contre le régime à prédominance tutsie de Kigali.

Et ils accusent les FDLR de participer au pillage des ressources du Congo, au même titre que le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du «général» Laurent Nkunda, un Tutsi congolais.

Dans une réponse de sept pages, le Rwanda décrit le rapport de l'ONU comme «inexact et partial», estimant qu'il «a été calculé pour détourner le blâme» du Congo et de l'ONU, «qui n'ont pu résoudre le conflit».

Le Parlement hollandais pressait le ministre de la Coopération Bert Koenders depuis novembre pour qu'il gèle l'aide de 4 millions de dollars de La Haye au Rwanda.

Soutien détaillé

«J'attends les conclusions de l'ONU avant de décider», avait déclaré Koenders le 29 novembre, de retour de Kigali. Les conclusions, tombant cette semaine, sont accablantes pour le Rwanda.

«La Suède prend au sérieux le rapport de l'ONU et a bloqué le versement annuel de 14,5 millions de dollars au budget du Rwanda», a annoncé hier Stockholm.

L'enquête, effectuée en vertu d'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, révèle dans ses moindres détails le soutien systématique et multiforme du Rwanda à la rébellion de Nkunda.

Fournitures d'armes et de militaires, enrôlement d'enfants soldats, facilités bancaires sont autant de contributions de Kigali au combat contre ses exilés hutus en territoire congolais - les empêchant de ramener la guerre au Rwanda.

Les FDLR regroupent d'anciens «génocidaires» du régime Habyarimana renversé en 1994 par le FPR (Front patriotique rwandais) tutsi, et des Hutus rwandais nés au Congo après leur exil massif.

Ils veulent reconquérir le Rwanda pour la majorité hutue (85%), tout comme la minorité tutsie (14%), exilée après l'abolition de la monarchie, ont repris le Rwanda par les armes avec la guerre de 1990-94.

Guerre inachevée

Cette guerre, inachevée, se poursuit dans l'est du Congo. Les victimes sont congolaises - mourant au rythme de «deux tsunamis» (500 000 personnes) par an, selon l'ONU. Et les ressources pillées pour la financer sont congolaises - diamant, or, coltan, bois, cheptel, café, plus des taxes imposées aux civils.

Des voix s'élèvent aussi en Grande-Bretagne, principal soutien de Kigali, avec les États-Unis, pour pousser le Rwanda à lâcher Nkunda et pacifier le Congo.

«Paul Kagame, le président du Rwanda, est un favori des Britanniques qui lui versent des dizaines de millions de livres en soutien budgétaire. Mais son rôle dans l'est du Congo est inquiétant. Il est temps de lui dire que l'aide cessera s'il ne met pas Nkunda au pas», écrit le directeur de la Royal African Society.

Kenneth Roth, directeur de Human Rights Watch (HRW), écrit que Londres doit «cesser de tourner en rond» et pousser l'Europe à déployer une force de soutien aux Casques bleus de la MONUC dans l'est du Congo.

L'intervention de Roth coïncide avec le refoulement, pour la deuxième fois en trois mois, d'Alison Desforges, principale conseillère de HRW sur l'Afrique, par les autorités rwandaises le 2 décembre. Mme Desforges avait soutenu le FPR en 1994, mais elle ne se gêne plus pour critiquer les violations commises par Kigali.