Des ONG ont sonné l'alarme mercredi après une vague «sans précédent» d'enlèvements de défenseurs des droits de l'Homme au Zimbabwe, exhortant la communauté internationale à faire pression sur le régime d'un pays en ruine.

Alors que le Zimbabwe s'enfonce dans le chaos politique et économique, la crise humanitaire ne cesse de prendre de l'ampleur et l'épidémie de choléra a déjà fait près de 750 morts selon un nouveau bilan de l'ONU.

Amnesty, HRW et Open Society Institute (OSI) ont dénoncé une «vague sans précédent d'enlèvements». Elles ont réclamé leur «arrêt immédiat» et la libération de trois militants des droits de l'Homme et du frère d'un activiste, enlevés «par des gens soupçonnés de travailler pour le compte des autorités».

«Derrière la crise politique et l'urgence sanitaire, il y a une détérioration des droits de l'Homme au Zimbabwe (...) Cela montre l'audace d'un régime qui tente désespérément de se maintenir au pouvoir à n'importe quel prix», a assuré Irene Khan, secrétaire générale d'Amnesty.

«Le seul moyen de résoudre ce problème est de faire pression de l'extérieur de manière unanime, en particulier de la part des leaders africains», a-t-elle estimé.

Ces derniers jours, le président Robert Mugabe, 84 ans dont 28 au pouvoir, a essuyé un nombre croissant de critiques: plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, ont réclamé son départ.

Le ministre zimbabwéen de l'Information, Sikhanyiso Ndlovu, a répliqué en qualifiant de «dégoûtants» les leaders étrangers qui ont appelé à la démission du président.

L'Union européenne a renforcé ses sanctions à l'encontre des proches du chef de l'Etat, mais la plupart des pays africains sont restés silencieux ou ont simplement renouvelé leur soutien dans les négociations pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, au point mort depuis l'annonce de sa création mi-septembre.

A cette impasse politique s'ajoutent un effondrement de l'économie, caractérisé par une inflation record de 231 millions%, et une crise humanitaire sans précédent.

Près de la moitié de la population aura besoin d'une aide alimentaire en janvier et l'épidémie de choléra ne cesse de se propager avec 746 morts depuis le mois d'août et 15.572 cas recensés mercredi par l'ONU.

Dans un tel contexte, les enlèvements de militants des droits de l'Homme inquiètent les ONG qui réclament des «mesures fortes» pour les protéger.

L'association Avocats du Zimbabwe pour les droits de l'Homme (ZLHR) a obtenu une première victoire: la justice a ordonné aux policiers d'enquêter sur l'enlèvement le 3 décembre par un groupe d'hommes armées de Jestina Mukoko, directrice du Zimbabwe Peace Project (ZPP), une organisation nationale des droits de l'Homme.

La justice ne s'est cependant pas prononcée sur les disparitions deux jours plus tard de deux employés du ZPP et du frère d'un avocat qui s'occupe de l'affaire Mukoko.

Le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai, affirme pour sa part que 15 personnes ont été enlevées à Banket (nord-ouest de Harare) le mois dernier. L'ancien assistant personnel de Morgan Tsvangirai, Gandhi Mudzingwa, a disparu mardi après-midi.

«Gandhi Mudzingwa a été enlevé hier (mardi) par neuf hommes armés venus dans six véhicules, tandis qu'il s'entretenait avec des proches à Msasa», dans la capitale Harare, a assuré le MDC dans un communiqué.

Depuis le début de l'année, de nombreux autres cas d'arrestation ou d'intimidation de militants des droits de l'Homme ou d'avocats par la police ont été signalés.

Mais le ministre de l'information, Sikhanyiso Ndlovu, a démenti mardi que l'Etat soutenait les enlèvements. «Si certaines personnes sont conduites à la police pour les besoins d'une enquête, leurs proches disent ensuite qu'elles ont été enlevées», a-t-il déclaré.