«Deux millions de civils déplacés par la rébellion au Nord-Kivu vivent et meurent dans des conditions atroces, et les Casques bleus de la MONUC comptent les morts. Nous pressons le Canada de proposer une force d'imposition de la paix, car ce qu'il faut d'urgence, c'est d'arrêter les hostilités».

Ce message a été transmis à Ottawa, au ministre des Affaires étrangères, aux députés, à l'ACDI et aux ONG par une mission de l'Église catholique du Congo en tournée dans les pays occidentaux.

 

«Les atrocités que vit notre peuple nous poussent à agir. L'existence même de la nation et du Congo est en danger», a déclaré Mgr Fridolin Ambongo, président d'une Commission épiscopale diocésaine Justice et Paix, lors d'une rencontre, hier à Montréal, avec la Table de concertation du Congo, des missionnaires, et des membres de la communauté congolaise.

»Oreilles attentives»

«Il faut la cessation immédiate des hostilités», a renchéri Mgr Fulgence Muteba, chef des communications sociales de l'Épiscopat congolais. «Nous misons sur le leadership du Canada pour une force d'imposition de la paix et pour un soutien logistique à cette force», a-t-il déclaré.

Il dit avoir trouvé «des oreilles attentives» à Ottawa, même «une volonté d'agir», malgré le fait que le Canada soit engagé en Afghanistan.

La Belgique et la France, dont le passé rend délicate une intervention au Congo, n'ont pas convaincu leurs partenaires de l'UE de monter une opération d'appui à la MONUC, a-t-on appris hier à Bruxelles.

Les évêques, et la soeur Marie-Bernard Alima Mbalula, secrétaire générale de la Commission Justice et Paix, ont rejeté sur le chef rebelle Laurent Nkunda la responsabilité du «génocide silencieux» dénoncé par la Conférence épiscopale du Congo (CENCO) dans des Cris de détresse lancés récemment.

Ils ont lié la rébellion au pillage des ressources du Congo et à l'idée de Nkunda, soutenu par le Rwanda, de se découper un territoire dans l'est du pays.

«Les demandes de Nkunda sont incohérentes. Il a parlé de protéger les Tutsis du Congo, ce qui est absurde car ceux-ci sont bien intégrés. Il a ensuite dit vouloir «libérer les Congolais», ce qui est encore plus absurde. Maintenant il veut la renégociation des contrats miniers avec la Chine», ont-ils souligné.

«Avec 6 millions de morts, le Congo vit le drame le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale. Les viols et les massacres se succèdent, mais on n'en parle pas. C'est un drame oublié. Deux millions de personnes, chassées de leurs demeures et de leurs terres, sont condamnées à l'errance, à accoucher et à mourir sous les intempéries, sans toit et sans abri», a dit soeur Marie-Bernard.

Vaste nettoyage ethnique

Selon leurs récits, Nkunda semble opérer un vaste nettoyage ethnique au Nord-Kivu pour y établir son autorité, et balkaniser le Congo. Lui et son bras droit sont accusés de crimes contre l'humanité, et la mission congolaise a demandé l'aide du Canada pour «rouvrir le dossier de ces criminels face à l'impunité».

«Pourquoi Nkunda est-il toléré et reste-t-il impuni?» a demandé la religieuse, rappelant que le drame du Congo est aussi relié à la crise entre Tutsis-Hutus au Rwanda.

«Les Hutus du FDLR (Front démocratique de libération du Rwanda) sont aussi une menace pour nous. Ils sont venus chez nous avec la bénédiction de la communauté internationale, pour éviter un autre génocide au Rwanda. Cela a engendré au Congo un génocide encore plus horrible que cette communauté internationale tolère», a-t-elle ajouté.

Au Congo hier, la MONUC a signalé une instabilité croissante en Ituri, au nord du Nord-Kivu, où d'autres milices rebelles s'activent depuis des mois.

Nkunda a refusé entre-temps l'offre de dialogue du gouverneur Julien Paluku, du Nord-Kivu, sous prétexte que celui-ci n'avait pas un «mandat» du gouvernement congolais, qui a qualifié l'offre d'«initiative locale».