Avec la reprise du conflit fin août dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et l'impunité dont jouissent les criminels, les viols de fillettes sont en augmentation dans cette région où les violences sexuelles atteignent déjà un niveau effroyable depuis des années.

«Les femmes et les filles font encore une fois face à des violences sexuelles dont les niveaux sont en augmentation au Nord-Kivu dans un contexte de reprise du conflit, d'instabilité et de déplacement massif de civils», constate l'organisation humanitaire International Rescue Committee (IRC).

«Les chiffres concernant les adolescentes et les petites filles sont très élevés» depuis la reprise fin août des combats dans la province du Nord-Kivu entre d'un côté la rébellion de Laurent Nkunda et de l'autre l'armée et des groupes armés alliés, ajoute à l'AFP Sarah Spencer, spécialiste de ces questions à IRC.

L'hôpital Heal Africa, situé à Goma (la capitale provinciale) et spécialisé dans les violences sexuelles, a ainsi soigné depuis début novembre 24 victimes de viol de moins de 18 ans et cinq de plus de 18 ans. En octobre, 32 victimes de moins de 18 ans ont été soignées et trois de plus de 18 ans.

Mais les chiffres réels sont beaucoup plus élevés selon les humanitaires, les femmes attendant souvent plusieurs mois avant de signaler le viol, ou le cachant totalement.

Le Nord-Kivu, où pullulent miliciens et rebelles depuis une quinzaine d'années, est en effet tristement célèbre pour les violences inouïes faites aux femmes depuis des années. Entre janvier et octobre, Médecins sans frontières (MSF) a soigné près de 5.700 victimes de violence sexuelles dans cette région.

Constance, 10 ans et déjà violée à deux reprises ces derniers jours, fait partie des petites victimes de cette barbarie.

En fuyant les combats près de son village de Kibumba (est) à la mi-novembre, elle a perdu ses parents et a été violée «par plusieurs soldats du CNDP» (Conseil national pour la défense du peuple, rébellion de Laurent Nkunda) qui contrôlent la zone, la laissant inconsciente.

Forcée de passer plusieurs nuits dans la rue à son arrivée à Goma, elle a été violée samedi par «deux adultes» inconnus, avant d'être découverte en sang par une passante, raconte-t-elle depuis l'hôpital Heal Africa.

A Ndosho, quartier de Goma, une mère souhaitant garder l'anonymat raconte aussi le sort de ses deux filles de 11 et 13 ans, dans la soirée du 29 octobre quand le CNDP est arrivé aux portes de Goma, semant la panique dans l'armée.

«Deux soldats congolais ont tiré sur notre porte, pillé nos biens, puis chacune de mes filles a été prise par force par un soldat», dit-elle. «Comment ces gens qui doivent nous sécuriser peuvent-ils commettre de tels actes?», lance la mère, qui, résignée, a renoncé à poursuivre les agresseurs.

«Le viol est utilisé comme arme de guerre. Tous les jours, les femmes traversant la ligne de front (à quelques kilomètres de Goma) pour aller chercher du bois ou de la nourriture sont victimes d'abus sexuels», dit Mme Spencer.

Pour tenter d'expliquer l'ampleur des viols, même en période de calme, Mme Spencer dénonce «l'impunité générale» à l'égard des violeurs et «les faiblesses du système policier et pénitentiaire».

Le viol est passible de 5 à 20 ans de prison en RDC, mais, dans le chaos généralisé, la loi est quasiment ignorée.

Enfin, le traumatisme de ces atrocités est exacerbé par la stigmatisation dont font l'objet les victimes.

«Dans la majorité des cas de viols, le mari répudie sa femme, les familles stigmatisent la fille, l'enfant issu du viol n'est pas accepté», dénonce Charlotte Riziki, conseillère à Heal Africa, ajoutant: «Il faut que le gouvernement s'implique plus dans la lutte contre ce fléau qui détruit notre société».