Des représentants d'organisations humanitaires présents au Nord-Kivu (est de la République démocratique du Congo) s'inquiètent du sort de milliers de réfugiés qui pourraient être pris au piège derrière les lignes rebelles et avoir un besoin urgent d'aide alimentaire.

A New York, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a estimé qu'il s'agissait d'«au moins 100.000 réfugiés», dont la situation est «de plus en plus désespérée». Il a appelé d'urgence à un cessez-le-feu immédiat, se disant «très inquiet de toutes les informations faisant état d'assassinats ciblés de civils, de pillages et de viols».

«Quand les lois de la guerre sont violées, la responsabilité criminelle personnelle peut être mise en cause, notamment pour ceux qui occupent des postes de commandement», a-t-il mis en garde.

Les ONG ont précisé mardi tenter d'avoir accès à Rutshuru et Kiwanja, dans l'est du Masisi, à environ 80km au nord de Goma, capitale du Nord-Kivu, deux communes en territoire sous contrôle des forces rebelles du tutsi Laurent Nkunda. Ces communes comptaient à elles deux, en période de calme, plus de 150 000 habitants.

Les combats dans cette zone ont été âpres alors que les hommes du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Nkunda s'approchaient de Goma. Le général rebelle, qui se pose en défenseur de la minorité tutsie face aux miliciens hutus ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994, a lancé une nouvelle offensive le 28 août. Ses hommes se sont arrêtés aux portes de la «capitale» du Nord-Kivu, et Nkunda a déclaré un cessez-le-feu voilà deux semaines.

Mardi, une mission de l'ONU envoyée à Kiwanja pour enquêter sur des allégations de massacres a expliqué avoir reçu des informations «dignes de foi» selon lesquelles des civils avaient été «visés» et un «grand nombre d'entre eux assassinés» même si «aucun chiffre précis n'est encore disponible», selon Michèle Montas, porte-parole des Nations unies à New York. Des témoins ont évoqué 26 corps, alors que de son côté, l'organisation humanitaire Human Rights Watch fait état d'au moins 50 civils tués, dont une majorité par les rebelles.

Human Rights Watch a donc exhorté l'ONU à accroître le nombre des Casques bleus pour protéger les civils. L'organisation souhaiterait que 3.000 soldats et policiers viennent renforcer les 17.000 hommes de la MONUC (Mission des Nations unies), critiquée pour n'avoir pas empêché l'avancée des rebelles.

D'après un porte-parole du CNDP, les humanitaires souhaitant acheminer de l'aide à destination des civils en zone rebelle ne courent aucun danger. «S'il y a des ONG qui veulent venir à Rutshuru, elles sont bienvenues», a affirmé Bertrand Bisimwa.

Plus près de Goma, la situation est catastrophique. Alors qu'on estime à 250 000 en tout le nombre de personnes déplacées depuis le début de l'offensive, une nouvelle vague de 8 000 personnes venues de Rutshuru et Kiwanja a déferlé sur un camp à Goma ces trois derniers jours.

Mardi, des milliers de réfugiés attendaient de recevoir une aide alimentaire du Comité international de la Croix-Rouge. Le CICR distribuait 45 tonnes de vivres, assez pour nourrir chaque famille pendant dix jours.

A Kibati, à une dizaine de kilomètres de Goma, quelque 70 000 personnes sont installés dans des camps de fortune, et des hommes tentent de cultiver un terrain recouvert de roches volcaniques depuis l'éruption de 2006. «Normalement, ils ne tentent jamais de planter ici», expliquait Abdallah Togola, un travailleur humanitaire. C'est dire si la situation est «urgente».

S'ajoute à ces conditions épouvantables la crainte d'une épidémie de choléra. Les humanitaires disent avoir recensé au moins 90 cas autour de Goma depuis vendredi. Sept personnes ont été admises dans une clinique à Kibati lundi soir.

Depuis début octobre, ce sont au total 1.000 cas de choléra au moins qui ont été enregistrés. «Les risques (d'une explosion des cas) sont très élevés», a souligné à Genève Paul Garwood, porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette dernière a envoyé par avion en Ouganda 60 tonnes de matériel médical, qui doit ensuite être acheminé au Nord-Kivu par la route.