«La guerre la plus meurtrière depuis la Seconde Guerre mondiale», selon Le Potentiel, quotidien de Kinshasa, a repris au Nord-Kivu. Plus de 6 millions de morts depuis 1998. Plus de 2 millions de déplacés, un tiers de la population de cette province de l'est de la République démocratique du Congo (RDC). La Presse se penche aujourd'hui sur le drame humanitaire le plus grave du monde.

QQue font les Casques bleus de la Mission de l'ONU au Congo (MONUC)?

RPlus de 20 000 militaires et civils de l'ONU, avec un budget annuel de 1,1 milliard US, sont depuis neuf ans impuissants face aux 5000 hommes du général rebelle Laurent Nkunda, qui avançaient hier sur Goma, chef-lieu abandonné par ses habitants. Adossé au Rwanda et disant vouloir «protéger les Tutsis», Nkunda a le soutien de Kigali, accusé d'agression hier par Kinshasa.

 

QLe Rwanda semble intouchable. Pourquoi?

RLe Rwanda, qui vient d'adopter l'anglais comme langue d'enseignement, est un protégé de l'axe américano-britannique. Le régime de Kigali tire sa légitimité du génocide perpétré par les Hutus en 1994. Et le pillage des ressources du Congo, documenté par l'ONU, passe en grande partie par le Rwanda.

QEst-ce pour cela que les Casques bleus piétinent?

RLa MONUC gère la crise au lieu de la régler. Elle n'exerce pas ses pouvoirs d'intervention armée contre les rebelles en vertu du Chapitre V11 de la Charte de l'ONU. Les Congolais veulent qu'elle les élimine. Les États-Unis et l'Europe, qui mènent le jeu, ont exhorté hier le général Nkunda à «ne pas entrer dans Goma» et à «revenir au processus politique». Washington avait imposé ce scénario au Rwanda après l'invasion du FPR de Paul Kagame en 1990.

QEst-ce aussi pour cela que le général espagnol Vicente Diaz a démissionné comme chef de la MONUC?

RPour Le Potentiel, après seulement deux mois en poste, le général Diaz a vu que trop de «réseaux mafieux entravaient» la tâche de la MONUC. La presse kinoise, qui parle déjà d'échec, souhaite que sa démission soit un «électrochoc» pour l'ONU. Le quotidien L'Observateur dénonce «l'hitlérisme sans Hitler» dans l'est du Congo, et Le Potentiel écrit qu'il est plus que temps de «présenter le dossier de l'holocauste congolais à la face du monde».

QPourquoi le Nord-Kivu s'embrase-t-il à ce moment précis?

RLe mandat de George W. Bush aux États-Unis tire à sa fin, et la perspective d'une présidence Barack Obama, avec peut-être une autre vision pour l'Afrique, est risquée. Au Rwanda, le régime Kagame redoute la revanche des Hutus, majoritaires et exclus, regroupés dans l'est du Congo. Et au Congo, le président Joseph Kabila est engagé, sous la pression des élus et de la société civile, dans la révision des contrats miniers iniques signés dans les années 90.

QQue peut faire Kabila dans ce contexte?

RIl envisage une opération militaire internationale distincte de soutien à la MONUC, sur le modèle Artemis déployé par l'Europe dans l'Ituri en 2004. Le Congo avait eu auparavant le soutien de l'Afrique australe contre le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi. Kabila a réuni mardi les leaders de l'Assemblée et du Sénat, son nouveau premier ministre, le chef civil de la MONUC et des diplomates européens, africains et asiatiques, pour en discuter.