Les rebelles avançant sur Goma dans l'est du Congo-Kinshasa ont annoncé mercredi un cessez-le-feu unilatéral autour de la capitale du Nord-Kivu, où l'armée régulière était en déroute et la population en proie à la panique, après les violents combats de ces derniers jours.

À Paris, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a souhaité l'envoi d'une force européenne comprenant jusqu'à 1500 hommes pour protéger la population, mais il a affirmé que plusieurs pays s'y opposaient.

A Kinshasa, les rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) ont proclamé mercredi dans un communiqué «un cessez-le-feu unilatéral (...) dans la périphérie» de Goma. Le CNDP dit vouloir protéger la population du chef-lieu provincial, des autres communes et des camps de déplacés: «Le CNDP combat le pouvoir, mais défend le peuple», a assuré son porte-parole Bertrand Bisimwa.

Le porte-parole de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC), Mounoubay Madnoge, a salué cette décision, attendant de voir si elle se concrétiserait. M. Madnoge a confirmé à l'AP que la panique était générale à Goma, tout en disant ignorer si l'armée gouvernementale était effectivement en pleine débandade. Il a ajouté que les rebelles ne se trouvaient pas dans la ville, les combats se déroulant hors les murs. Les soldats de la MONUC gardent l'aéroport et les points stratégiques, a-t-il ajouté.

Le gouverneur de Goma, Julien Mpaluku, a également confirmé le mouvement de panique et l'absence de rebelles en ville, mais ne pouvait dire si les forces régulières s'étaient enfuies, soulignant en revanche que la MONUC gardait le contrôle.

Des réfugiés ont pour leur déclaré avoir vu des convois rebelles circuler dans Goma en tirant des coups de feu tandis que les soldats chassés du nord battaient en retraite dans le plus grand désordre. Les milices tutsies de Laurent NKunda auraient aussi pris le village de Kibati, à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, où un camp accueillait des milliers de déplacés.

Laurent NKunda menace de prendre Goma malgré les appels du Conseil de sécurité de l'ONU au respect du cessez-le-feu que le CNDP a signé en janvier. L'ex-général affirme protéger la minorité tutsie contre les attaques des miliciens hutus rwandais réfugiés dans l'est de la RDC après avoir participé au génocide de 1994 au Rwanda. A l'été 1994, au moins 800.000 Tutsis et Hutus modérés avaient été massacrés.

Le CNDP accuse l'armée congolaise d'avoir abandonné des positions à des combattants hutus, l'armée congolaise accusant de son côté Kigali d'avoir envoyé des troupes rwandaises de se battre sur son territoire aux côtés des rebelles. Le gouvernement rwandais à majorité tutsie a nié toute attaque de l'autre côté de la frontière, mais Kinshasa demande désormais l'aide de l'Angola voisin pour «défendre son intégrité territoriale».

L'intervention croissante de pays de la région des Grands Lacs dans le conflit rappelle la situation qui avait abouti aux deux guerres consécutives de 1996-2002 en RDC, impliquant principalement six pays (Angola, RDC, Namibie, Rwanda, Ouganda, Zimbabwe) et une vingtaine de groupes rebelles. Les vastes ressources naturelles de l'ex-Zaïre (diamants, or...) avaient été pillées et des dizaines de millions de Congolais avaient été déplacés à l'intérieur et à l'extérieur des frontières.

La population se retrouve une nouvelle fois prise au piège entre les différentes forces. Le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) a estimé qu'environ 45 000 personnes avaient paniqué et fui le camp de Kibati en quelques heures, alors que 30 000 environ n'étaient arrivés que la veille depuis les zones situées plus au nord, fuyant devant l'avancée des rebelles. Les colonnes de réfugiés fuyant vers Goma se sont mêlées à celles des soldats, selon des témoins.

Depuis le regain des affrontements au Nord-Kivu fin 2006, les agences humanitaires estiment le nombre de déplacés internes à près d'un million dans la province.

L'Union européenne et les Etats-Unis ont annoncé mercredi l'envoi d'émissaires au Congo-Kinshasa pour évaluer la situation et tenter d'obtenir un règlement diplomatique de la crise. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est aussi entretenu avec les présidents congolais et rwandais.

Ban Ki-moon a appelé mercredi le gouvernement congolais à tenir ses troupes, imputant la déroute de l'armée régulière à un «effondrement de la discipline» dans les unités. La MONUC, a-t-il souligné, fait de son côté «tout ce qui est possible pour protéger les civils et remplir son mandat dans des circonstances intenables». Elle utilisera «tous les moyens nécessaires, dans les limites de ses capacités» pour accomplir sa mission, a-t-il ajouté.