L'Union européenne a donné lundi un mois à la Mauritanie pour présenter des propositions en vue d'un retour à l'ordre constitutionnel, faute de quoi elle déclenchera un processus de sanctions, à l'issue d'une rencontre à Paris entre l'UE et la junte au pouvoir.

Dans des «conclusions» diffusées après la rencontre, qui ressemblent fort à un ultimatum, l'UE a prévenu qu'«en l'absence de nouveaux éléments dans un espace d'un mois, les consultations seront fermées et des mesures appropriées seront proposées aux instances décisionnelles de l'Union européenne».Par cette expression, l'UE fait référence à des sanctions prévues par l'Accord de Cotonou, liant l'UE aux pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, qui peuvent aller jusqu'à un gel de la coopération en dehors des aides humanitaires.

Vendredi, les autorités américaines avaient déjà pris des «mesures de restriction sur les voyages aux Etats-Unis» visant certains membres de la junte qui a pris le pouvoir en Mauritanie par un coup d'Etat le 6 août, ainsi que des membres de son gouvernement et individus qui soutiennent leurs actions.

L'UE a surtout déploré que les propositions mauritaniennes «n'incluent pas une libération immédiate et sans conditions du président légitime (mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi) et restent dans un cadre fondamentalement non-constitutionnel et illégitime sans perspectives de retour à l'ordre constitutionnel».

Deux mois et demi après le renversement du président Abdallahi, élu en mars 2007, l'UE semble ainsi décidée à peser de tout son poids sur la junte du général Mohamed Ould Abdel Aziz pour l'amener à faire des concessions.

Les accords de Cotonou prévoient que le dialogue «peut formellement durer plus qu'un mois, mais on a souhaité ne pas utiliser tout ce délai», a expliqué à l'AFP le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, tout en précisant qu'il ne souhaitait «pas du tout (...) qu'on isole la Mauritanie».

«Les solutions, on n'a pas besoin de trois mois pour les trouver», a dit M. Joyandet, dont le pays préside l'UE. Il s'agit d'«enclencher quelque chose assez rapidement.»

M. Joyandet s'est voulu optimiste, faisant valoir qu'«un contact intéressant avait été pris» lundi au siège parisien de la Banque mondiale et qu'il avait «obtenu l'assurance» du chef de la délégation mauritanienne, le Premier ministre nommé par la junte Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, qu'il aurait «prochainement» «la possibilité de rencontrer le président Abdallahi» en Mauritanie.

M. Laghdaf a pour sa part estimé que «les négociations s'étaient bien déroulées et avaient été l'occasion d'éclairer (les) partenaires sur les contours de ce qui se passe dans (le) pays». Il assuré que l'atmosphère avait été celle d'«entretiens entre partenaires et non d'un interrogatoire à notre pays».

Le blocage demeure néanmoins total.

L'UE et la Mauritanie ont «un désaccord de fond sur la situation, notamment au regard de la Constitution», a dit M. Joyandet. «Eux disent : on a fait une «rectification», et nous, on dit : vous avez fait un coup d'Etat».

Favorable à un «compromis» constitutionnel, M. Joyandet avait affirmé vendredi que «même en Mauritanie, les collectifs les plus attachés aux droits de l'Homme ne demandent pas d'une manière ferme et définitive le retour du président Abdallahi (...) jusqu'à la fin de son mandat» prévue en 2012.

Dimanche, le Front national mauritanien de défense de la démocratie (FNDD, anti-putsch) a, au contraire, appelé l'UE à oeuvrer au rétablissement dans ses fonctions du président déchu.

En attendant des «propositions adéquates par la partie mauritanienne», l'UE a précisé lundi que «les activités de coopération en cours seront limitées aux actions à caractère humanitaire ou bénéficiant directement aux populations et à la mise en oeuvre et aux paiements relatifs aux contrats déjà en exécution qui ne peuvent pas être interrompus».