Mkhuluwa ou l'Aîné, c'est ainsi que ses camarades, appréciant son grand calme et ses talents de conciliateur, appellent Kgalema Motlanthe, 59 ans, élu hier 3e président de l'Afrique du Sud post-apartheid.

C'est lui qui a réussi en décembre à calmer les assises du Congrès national africain (ANC), quand des partisans de Jacob Zuma se sont déchaînés contre le camp du président sortant Thabo Mbeki.

 

Il s'est rangé derrière Zuma, et a été élu vice-président de l'ANC. Mais il a levé le ton contre Julius Malema, chef de la bouillante Ligue de la Jeunesse de l'ANC, qui s'était dit «prêt à tuer pour Zuma».

Ces qualités seront mises à rude épreuve après le départ forcé de Mbeki, dont les partisans, et la mère de 92 ans, Epainette, prônent de quitter l'ANC et de former un parti concurrent.

Il a démontré son pragmatisme dès hier, reconduisant au ministère des Finances Trevor Manuel, artisan de la croissance depuis 12 ans et populaire auprès des investisseurs, qui avait démissionné avec Mbeki.

La Bourse a bien réagi, et le rand, monnaie nationale, ainsi que les obligations du gouvernement, ont progressé.

Bien vu de tous

Dans son discours inaugural, Motlanthe a assuré qu'il ne permettrait «pas que la stabilité de notre ordre démocratique soit mise en cause».

«Je ne désire pas dévier de ce qui fonctionne. Ce n'est pas à moi de réinventer la politique» décidée par l'ANC, a-t-il ajouté.

Le quotidien Business Day le voit comme «la colle qui tient ensemble l'alliance tripartite de l'ANC, du Parti communiste sud-africain et de la centrale syndicale Cosatu». «Rares sont les membres de l'ANC qui ont du mal à dire» de lui, relève le quotidien The Star.

«Mkhuluwa est notre homme», a lancé Julius Malema, oubliant les rancunes.

Helen Zille, chef de l'Alliance démocratique d'opposition, admet que Motlanthe est «peut-être le plus raisonnable et le plus sensé» des leaders de l'ANC.

Discret et efficace joueur d'équipe, Motlanthe sera en poste pour moins d'un an. Car il est entendu qu'il se désistera aux législatives prévues vers avril 2009, et cédera la place pour cinq ans à Jacob Zuma.

Ses créances nationalistes sont impeccables, mais sa vie personnelle est peu connue. Selon un sondage Ipsos, 6 Sud-africains sur 10 n'ont jamais entendu parler de lui ou trop peu pour se faire une opinion à son sujet.

Prison et syndicalisme

Il est né en 1949 dans un village de la province du Limpopo, le benjamin d'une famille de 13 enfants. Sa famille s'est installée dans le township d'Alexandra, d'où elle a été expulsée pour aller s'établir à Meadowlands.

Son père était mineur, sa mère blanchisseuse. Marqué par le mouvement de la Conscience noire de Steve Biko, il fait du sabotage avec l'ANC, ce qui lui vaut 11 mois de détention, et ensuite, en 1977, 10 ans de prison sur Robben Island.

Là, il a pour mentor Walter Sisulu, l'un des chefs historiques de l'ANC. Il termine aussi un diplôme universitaire par correspondance. Libéré en 1987, il se joint au Syndicat des mineurs, dont il devient secrétaire général. Dix ans plus tard, il est élu secrétaire général de l'ANC, accédant en décembre 2007 à la vice-présidence du parti, son tremplin vers la succession de Mbeki, qui l'avait nommé cette année ministre sans portefeuille.

Il est actionnaire de Pamodzi Investment Holdings, marié et père de deux filles et d'un garçon.

 

Rassurer avant tout

Le nouveau président de l'Afrique du Sud, Kgalema Motlanthe, a voulu sans tarder rassurer et garantir la stabilité en reconduisant la moitié du gouvernement sortant, dont Trevor Manuel aux Finances.

Il a changé de poste deux ministres sortants fort contestés: la ministre de la Santé Manto Tshabalala-Msimang, remplacée par l'intègre Barbara Hogan, et celui de la Sécurité Charles Nqakula, dont les fonctions sont reprises par Nathi Mthethwa, chef du groupe parlementaire de l'ANC.

La ministre des Affaires étrangères Nkosazana Dlamini-Zuma reste à son poste, mais Phumzile Mlambo-Ngcuka est remplacée à la vice-présidence par Baleka Mbete, présidente de l'Assemblée nationale.

Motlanthe a promis d'accélérer les efforts engagés pour réduire par deux la pauvreté d'ici 2014. Quatorze ans après la chute de l'apartheid, plus de la moitié des 50 millions de Sud-Africains vivent avec moins de deux dollars par jour.

Sur la scène africaine, il s'est engagé à «continuer d'assister pour ramener la paix, la sécurité, la démocratie et le développement».