Le président sud-africain Thabo Mbeki, renvoyé par son propre parti sous l'accusation d'avoir influencé la justice contre son rival Jacob Zuma, quittera ses fonctions dès jeudi, a décidé mardi l'Assemblée nationale.

Par 299 voix contre 10, sans aucune abstention, les députés ont adopté une motion stipulant que «la démission du président de la République d'Afrique du Sud prendra effet le 25 septembre 2008». Jeudi, les députés devraient nommer immédiatement le successeur de M. Mbeki, qui dirigera le pays jusqu'aux élections générales du 2è trimestre 2009. Le nouveau président doit prêter serment dans la foulée et désigner son gouvernement.

Le groupe parlementaire du Congrès national africain (ANC), parti ultra-majoritaire depuis la chute de l'apartheid en 1994, a désigné lundi son vice-président, Kgalema Motlanthe, pour prendre la succession de M. Mbeki.

S'il s'est plié à la décision du comité directeur de l'ANC, le chef de l'État sortant n'a pas abandonné pour autant la lutte sur le front judiciaire.

Lundi soir, il s'est joint à l'appel déposé par le procureur général contre le jugement qui a précipité sa chute, dans le cadre d'un procès pour corruption contre M. Zuma, le nouveau chef de l'ANC.

Dans les attendus du jugement invalidant le dossier d'accusation contre M. Zuma pour vice de forme, le juge Chris Nicholson avait dénoncé le 12 septembre des «interférences politiques» auprès du procureur.

Les alliés de M. Zuma, qui avaient chassé le chef de l'État de la présidence du parti lors d'un congrès houleux en décembre dernier, se sont engouffrés dans la brèche. Samedi, le comité directeur retirait sa confiance au président.

Les attendus du juge Nicholson sont «scandaleux et préjudiciables» et ont entaché sa réputation, en tant que personne privée et chef de l'État, fait valoir M. Mbeki dans la plainte déposée auprès de la Cour constitutionnelle.

«Il est injuste que je sois jugé et condamné» sur la base de ces attendus, «qui ont conduit mon parti, l'ANC, à me rappeler», écrit-il. «Je crains que, si cette situation n'est pas rectifiée, je n'endure un préjudice plus élevé encore».

La décision de l'ANC, si elle est acceptable du point de vue de la Constitution puisque le président n'est pas élu par le peuple mais par la majorité parlementaire, a été vivement dénoncée en Afrique du Sud.

Le prix Nobel de la Paix Desmond Tutu, autorité morale du pays, a ainsi exprimé sa «profonde inquiétude devant le fait que la nation (...) soit soumise à la volonté d'un parti politique, aussi majoritaire soit-il», sous le jeu de dissensions personnelles.

L'ANC détient deux tiers des sièges à la Chambre des députés.

Le choix de M. Motlanthe témoigne d'une volonté d'amortir la crise. Ce stratège politique apprécié des deux camps avait intégré récemment le gouvernement Mbeki pour assurer le lien entre les deux clans.

Il avait mené ces derniers mois une campagne de réconciliation, visant à rassurer la minorité blanche et les investisseurs étrangers inquiets de la réputation populiste de M. Zuma.

Le parti a justifié sa décision d'évincer Thabo Mbeki par un besoin d'unification de la formation, profondément divisée depuis que le camp Zuma a emporté sa direction. Lundi, ce dernier a promis une «transition en douceur».

La stabilité dépendra aussi de celle du gouvernement. M. Mbeki a incité dimanche ses ministres à rester en poste, soulignant que la décision du comité directeur le visait personnellement.

Toutefois, certains de ses fidèles ont déjà présenté leur démission, à l'instar de la vice-présidente Phumzile Mlambo-Ngcuka, qui a également annoncé son départ de la Chambre des députés.