Le président sud-africain Thabo Mbeki devait prononcer dimanche un discours exceptionnel à la nation, au lendemain de son éviction par le parti du pouvoir, le Congrès national africain (ANC), qui fait entrer le pays dans une zone de turbulences.

Pour la première fois depuis la chute de l'apartheid en 1994, l'ANC, qui domine depuis la vie politique du pays, a retiré samedi sa confiance à un chef de l'Etat.

Thabo Mbeki a immédiatement fait savoir qu'il se pliait à cette décision et il pourrait annoncer sa démission à ses concitoyens lors d'une allocution radiotélévisée prévue pour 19H30 (17H30 GMT).

Un conseil des ministres extraordinaire devait se réunir un peu plus tôt à Pretoria pour discuter des conditions de son départ avant le terme prévu de son mandat, au second trimestre 2009.

«Que Mbeki parte maintenant ou dans six mois n'a pas beaucoup d'importance en termes de direction du pays», souligne l'analyste indépendant Daniel Silke. «Mais l'Afrique du Sud entre quand-même dans une ère de grande incertitude», dit-il.

Le président Mbeki a fait les frais d'une impopularité croissante, alimentée par son attitude d'intellectuel distant et par le maintien d'une pauvreté importante dans la première puissance économique du continent.

Les journaux sud-africains n'exprimaient d'ailleurs dimanche aucun regret pour «le Prince impitoyable» qui a, selon le Sunday Independent, alimenté le courroux de ses rivaux en menant une «politique sans pitié».

«La décision de révoquer Mbeki était la chose à faire», écrit aussi le Sunday Times, qui assène: «Il était un mauvais président. Il a divisé notre pays.»

«Mais les motivations de l'ANC doivent être mises en cause», poursuit son éditorialiste. «Peu importe les raisons officielles, il n'y a aucun doute sur le fait qu'ils voulaient protéger le président de l'ANC Jacob Zuma.»

Ce dernier avait été inculpé pour corruption dans le cadre d'une enquête impliquant le groupe d'armement français Thales, en décembre, dix jours après avoir ravi la tête de l'ANC à Thabo Mbeki.

Ses partisans avaient immédiatement hurlé au complot. Le non lieu pour vice de forme, prononcé le 12 septembre, par un juge qui a évoqué des pressions politiques dans le dossier, leur a fourni les munitions pour réclamer la tête de Mbeki.

En Afrique du Sud, le président n'est pas élu par le peuple, mais par le Parlement. Tirant sa légitimité de sa désignation par l'ANC, Thabo Mbeki ne pouvait pas aller à l'encontre de l'appel à démissionner de son parti.

D'autant que le parti était prêt à saisir le Parlement, où il dispose de près de deux tiers des sièges, pour obtenir une motion de défiance ou la destitution du chef de l'Etat.

Cette incertitude levée, il faut que la nouvelle direction du parti se mette au travail, souligne la presse. «Maintenant, vous êtes le gouvernement. Commencez à agir comme tel!», lance le Sunday Times.

La première tâche sera de choisir le président qui dirigera le pays jusqu'aux prochaines élections. N'étant pas membre du Parlement, Jacob Zuma ne peut pas être désigné pour l'intérim. En attendant, l'ANC semble préférer Baleka Mbete, la présidente du Parlement, une femme au caractère bien trempé.

Les nouveaux leaders devront ensuite éviter une hémorragie au niveau du gouvernement. La sortie de crise «dépendra vraiment de leur capacité à garder ensemble un noyau de responsables», estime Judith February de l'Institut pour la démocratie en Afrique du Sud (Idasa).

Pour rassurer les marchés, il faudrait notamment le maintien du ministre des Finances, Trevor Manuel, en poste depuis 1996. Chouchou des investisseurs, il est considéré comme l'artisan de la stabilité des Finances publiques et de la forte croissance sud-africaine, supérieure à 5% au cours des cinq dernières années.