Amnistie internationale presse les pays occidentaux de faire preuve d’une plus grande cohérence en matière de défense des droits de la personne en délaissant l’approche du « deux poids, deux mesures » mise en relief par le soutien apporté à l’Ukraine.

La secrétaire générale de l’organisation, Agnès Callamard, note que les nombreuses déclarations d’appui et les mesures adoptées pour aider Kyiv à repousser les forces russes contrastent fortement avec le « silence étourdissant » entourant les dérives de régimes autoritaires « amis » comme l’Arabie saoudite ou encore l’Égypte.

Riyad et Le Caire, souligne l’organisation dans son plus récent rapport annuel paru mardi, ont notamment condamné à mort de nombreuses personnes à l’issue de « procès manifestement inéquitables » et torturé des détenus sans susciter de dénonciations musclées.

L’agression de la Russie contre l’Ukraine est également une guerre contre les valeurs universelles et les mécanismes multilatéraux destinés à les faire respecter. S’il veut gagner cette guerre, le monde occidental ne peut pas dans le même temps tolérer des actes d’agression similaires dans d’autres pays uniquement parce que ses intérêts sont en jeu.

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie internationale, dans la préface du rapport annuel

L’appui apporté par la Grande-Bretagne et les États-Unis aux efforts de la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les allégations de crimes de guerre en Ukraine contraste, souligne Amnistie internationale, avec le fait que Washington ne reconnaît pas le tribunal et s’oppose à toute enquête mettant en cause ses alliés ou ses propres ressortissants en Afghanistan et en Irak.

« Vingt ans après la création de la CPI, on pouvait se demander, au vu de ces initiatives, si ses principes s’appliquaient de la même manière à toutes les victimes de crimes de droit international, quelles que soient la situation et la région concernée », relève le rapport.

« Approche sélective »

Le traitement préférentiel accordé aux réfugiés ukrainiens, qui ont pu bénéficier de programmes spéciaux pour s’établir au sein de l’Union européenne alors qu’Afghans et Syriens se heurtaient à des portes closes, est aussi de nature à renforcer l’impression qu’il existe une « approche sélective et intéressée du soutien aux droits fondamentaux ».

L’expulsion entre septembre 2021 et mai 2022 par les États-Unis de 25 000 Haïtiens ayant été détenus dans des conditions difficiles a ajouté à cette perception, relève l’organisation.

La situation, selon Agnès Callamard, « fragilise l’appui international à l’Ukraine », qui est sensiblement moins marqué dans les pays en développement.

Elle alimente par ailleurs un climat « d’instabilité et d’impunité » dont profitent des pays autoritaires comme la Chine.

Le géant asiatique, relève le rapport, continue d’échapper à toute condamnation de la part de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme des Nations unies relativement aux exactions perpétrées à l’encontre de la population ouïghoure au Xinjiang.

« L’agression russe a contribué à déstabiliser encore davantage un système multilatéral déjà affaibli par des décennies de mépris du droit international de la part de grandes puissances agissant en toute impunité », note Mme Callamard.

Impact environnemental

Amnistie internationale s’alarme par ailleurs du fait que le conflit en Ukraine a « détourné l’attention » de conflits meurtriers plus anciens, notamment en Éthiopie, et de l’urgence d’agir pour contrer le réchauffement climatique.

Malgré la multiplication de « calamités » environnementales liées au phénomène, les dirigeants de la planète réunis en Égypte pour la COP 27 n’ont pas été capables, déplore l’organisation, de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la hausse des températures moyennes à la surface du globe sous le seuil de 1,5 °C.

Les six plus grandes sociétés pétrolières de la planète ont engrangé parallèlement en 2022 des profits record, relève Amnistie internationale, qui reproche au secteur de faire « peu de cas » de l’impact environnemental de ses activités.

L’organisation de défense des droits de la personne dénonce, dans la section du rapport consacrée au Canada, « l’incapacité » du pays à prendre les « mesures nécessaires » pour aider à limiter le réchauffement sous le seuil critique établi par la communauté scientifique.

Elle reproche par ailleurs aux autorités de ne pas faire suffisamment d’efforts pour atténuer l’impact de la crise sur les communautés autochtones, qui demeurent aux prises avec de multiples violations de leurs droits fondamentaux, dont « l’accès à l’eau potable, à l’éducation et aux soins de santé ».

En savoir plus
  • 500 000
    Nombre d’enfants ukrainiens ayant basculé dans la pauvreté en raison de la guerre avec la Russie
    Source : Amnistie internationale
  • 40 %
    Proportion de la population haïtienne en situation d’urgence alimentaire
    Source : Amnistie internationale