Le gouvernement chinois, qui multiplie les pressions pour ramener Taiwan dans son giron, a réussi cette semaine à convaincre un autre pays de couper les ponts avec le régime indépendantiste en place à Taipei.

Le Honduras, évoquant des motivations économiques, a annoncé il y a quelques jours qu’il entendait rompre ses liens diplomatiques avec l’île et soutiendrait les prétentions de Pékin, qui considère que Taiwan fait partie intégrante de son territoire.

Le ministre des Affaires étrangères hondurien, Eduardo Enrique Reina, a indiqué que le gouvernement avait demandé en vain à Taiwan d’accroître son aide financière au pays et de renégocier une dette de plusieurs centaines de millions de dollars avant de décider de se tourner vers la Chine.

Un porte-parole taiwanais a prévenu le Honduras qu’il risquait, en cherchant « à apaiser sa soif avec du poison », de se retrouver piégé financièrement par le régime communiste du président Xi Jinping.

« C’est la diplomatie du dollar », résume Serge Granger, spécialiste de la Chine rattaché à l’Université de Sherbrooke, qui ne s’étonne pas outre mesure du changement de cap exigé par Pékin.

Le géant asiatique, dit-il, ne cesse de gagner en importance sur le plan économique et utilise ses capacités croissantes pour investir dans nombre de pays qui sont tenus en contrepartie de suivre ses diktats politiques, notamment par rapport à Taiwan.

La tactique a notamment donné de bons résultats en Amérique centrale, où la volte-face du Honduras survient à la suite de celles de plusieurs autres pays, dont le Costa Rica, le Panamá, le Salvador et le Nicaragua.

Dans l’arrière-cour de Washington

June Dreyer, spécialiste de l’Asie rattachée à l’Université de Miami, note que l’annonce du Honduras marque une « victoire symbolique » pour Pékin, mais ne vient pas changer radicalement la donne dans son rapport de forces avec Taiwan.

Le régime indépendantiste en place a surtout concentré ses efforts sur des pays influents sur la scène internationale, États-Unis en tête, et a « plutôt bien réussi sur ce plan », alors que la Chine gagne des points auprès de pays en développement.

Le gouvernement américain, qui défend le statu quo relativement à Taiwan sans entretenir de relations diplomatiques formelles avec l’île, aurait tort de négliger les progrès réalisés par Pékin en Amérique centrale, puisqu’une avancée apparemment mineure peut rapidement déboucher sur des problèmes plus épineux, observe Mme Dreyer.

Washington s’est notamment alarmé au cours des dernières années de la construction projetée au Salvador, avec le soutien de la Chine, d’un port important qui pourrait servir à terme à des fins militaires.

« Beaucoup d’analystes prétendent que la Chine ne voudrait jamais venir défier les États-Unis dans leur arrière-cour, mais j’ai toujours trouvé que c’était un point de vue terriblement naïf. Pékin fait des gains dans la région », prévient Mme Dreyer.

Campagnes contre la critique

En excluant le Honduras, il ne reste plus que 13 États à travers le monde qui reconnaissent officiellement Taiwan sur le plan diplomatique, et ce nombre pourrait encore décroître en raison de la campagne « systématique » menée par Pékin, avertit Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine.

[Les diplomates chinois] font tout ce qu’il est possible de faire pour couper l’oxygène à Taiwan.

Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine

L’effritement des appuis internationaux de Taipei sera notamment utilisé, dit-il, pour mener des campagnes de désinformation sur l’île afin de convaincre la population de soutenir des partis plus favorables aux visées chinoises lors des élections prévues au début de l’année prochaine.

Pékin, dit M. Saint-Jacques, a fait par ailleurs des efforts considérables pour accroître la dépendance économique de Taipei à son égard et s’impose aujourd’hui comme son principal partenaire commercial, devant les États-Unis.

« Le gouvernement américain a d’ailleurs mis en garde Taiwan à ce sujet », relève-t-il.

La diminution actuelle du nombre de pays soutenant Taiwan ne change pas la donne militaire, mais elle place Pékin en meilleure position sur le plan diplomatique pour gérer les retombées de ses actions, souligne Serge Granger.

« La Chine aime contrôler les discours à son sujet dans les forums internationaux. L’augmentation du nombre de pays alliés peut lui permettre de court-circuiter plus efficacement d’éventuelles résolutions critiques à son égard », conclut-il.

États entretenant toujours des liens diplomatiques avec Taiwan

• Nauru
• Îles Marshall
• Palaos
• Tuvalu
• Eswatini
• Belize
• Guatemala
• Haïti
• Paraguay
• Sainte-Lucie
• Saint-Kitts-et-Nevis
• Saint-Vincent et les Grenadines
• Cité du Vatican