Emplois dangereux, détentions prolongées, logements inadéquats, vulnérabilité accrue à l’exploitation : les conditions des migrants et des réfugiés dans leurs pays d’accueil ou durant leur traversée ont souvent un impact négatif sur leur santé, note le premier rapport global de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la question.

« Les réfugiés et les migrants connaissent souvent des résultats de santé bien pires que les populations d’accueil, aggravés par leur situation vulnérable et leurs mauvais déterminants de santé », écrivent la vice-directrice générale de l’OMS, Zsuzsanna Jakab, et le directeur du programme de santé et migration, Santino Severoni, dans la préface du document, publié mercredi.

L’organisme a colligé des analyses regroupant plus de 17 millions de participants dans 16 pays pour tenter de dresser un portrait global de la situation, déplorant toutefois le manque de données spécifiques.

Bien sûr, toutes les situations ne sont pas équivalentes : les installations sanitaires inadéquates dans un camp mettent en péril la santé des réfugiés comme ne le fait pas un accès direct à l’eau potable dans un appartement. Mais les défis ne se limitent pas aux pays moins nantis.

Détentions dénoncées

L’OMS dénonce notamment le « phénomène mondial croissant » de la détention des ressortissants étrangers pour des raisons liées à l’immigration ou à l’asile. « On a beaucoup écrit sur les effets délétères de la détention dans les pays qui ne limitent pas la durée de la détention, notamment l’Australie, le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis », peut-on lire dans le rapport. Il souligne aussi l’« échec » de centres de détention à fournir des soins de santé adéquats, en notant les « nombreux rapports détaillant les morts, les suicides et les autres cas d’automutilation ».

PHOTO ADREES LATIF, ARCHIVES REUTERS

Des familles de demandeurs d'asile d'Amérique centrale font la queue pour être déplacés dans un centre de traitement du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, à Granjeno, au Texas.

Les problèmes vécus par les populations locales – que ce soit les difficultés d’accès aux soins de santé, les coûts, les emplois précaires ou les logements non convenables – sont souvent exacerbés pour les migrants et les réfugiés. Leur statut socioéconomique, la discrimination et des barrières linguistiques et culturelles ajoutent une couche de difficultés.

L'âge et les changements climatiques

Des tendances en matière de migration laissent également entrevoir des défis grandissants pour les pays d’accueil.

Le nombre de personnes de plus de 50 ans déplacées par des crises humanitaires, par exemple, augmente rapidement. Or, « l’impact et les besoins des personnes âgées déplacées de force par des évènements catastrophiques sont peu connus, mais les preuves montrent que les personnes âgées sont particulièrement exposées à de telles crises à travers une variété de déterminants », lit-on.

Les pays d’accueil devront aussi s’adapter aux migrations liées aux changements climatiques et aux désastres naturels, qui risquent de s’accroître.

Selon le rapport, en 2020, 30,7 millions de déplacés à l’intérieur même de leur pays avaient dû fuir en raison de désastres causés par les conditions météorologiques, qui ont aussi un impact sur la santé.

La santé mentale des migrants et réfugiés préoccupe aussi l’OMS. Une étude parmi les réfugiés syriens montre que les taux de détresse psychologique due à la quarantaine de la COVID-19, par exemple, étaient plus élevés parmi eux que dans le reste de la population.

La pandémie a d’ailleurs mis en lumière les risques pour la santé qui découlent de la situation précaire de nombreux migrants et réfugiés.

Solution

La solution pour s’assurer d’une meilleure prise en charge de la santé des migrants et des réfugiés doit être politique, a dit le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, en conférence de presse, diffusée sur le web mercredi.

Une évaluation systématique des conditions physiques et mentales des nouveaux arrivants devrait être mise en place un peu partout, a ajouté le DWaheed Arian, médecin anglais et militant invité à s’adresser aux médias par l’OMS. « Ne pas attendre qu’ils soient en situation de crise, qu’ils s’automutilent ou fassent une crise cardiaque ou aient un autre problème », a-t-il expliqué.

Et que nous soyons obligés de ramasser les dégâts aux urgences, ce qui mène à une surcharge du système de santé parce que nous n’avons pas fait le travail correctement dès le début.

Le DWaheed Arian

Né en Afghanistan, lui-même a vécu les problèmes de santé liés à la fuite de sa famille pour échapper aux bombes. Le froid, la faim et la toux persistante. La traversée dangereuse à dos d’âne et de cheval sur une route vers le Pakistan, menacés par les attaques. La famille entassée dans la tente d’un camp de réfugiés sous un soleil de plomb, où la transmission de la tuberculose et de la malaria était élevée. Le retour au pays, de nouveau secoué par la violence.

Son départ, à 15 ans, seul, vers le Royaume-Uni. Les troubles de stress post-traumatiques. « Même si nous étions à l’abri des bombes, nous n’étions pas en sécurité physiquement, nous n’étions pas en sécurité socialement, nous n’étions pas en sécurité mentalement », a-t-il illustré.