Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, accumule les revers en justice relativement à la demande d’extradition formulée à son encontre par les États-Unis, où il fait face à des accusations d’espionnage susceptibles de lui valoir des décennies de prison.

Un tribunal de district britannique a officiellement rendu mercredi une ordonnance d’extradition visant le célèbre lanceur d’alerte, qui doit maintenant tenter d’amener la ministre de l’Intérieur du pays, Priti Patel, à intervenir en sa faveur.

Les avocats du ressortissant australien disposent d’un mois pour convaincre la femme politique de ne pas entériner l’avis de la cour, une tâche qui s’annonce ardue en raison du nombre limité de facteurs pouvant justifier une telle décision.

Une représentante de Reporters sans frontières qui suit de près le dossier, Rebecca Vincent, a déclaré que le processus était « désormais politique à 100 % » et reposait sur le bon vouloir du gouvernement du premier ministre Boris Johnson.

« Il n’est pas trop tard pour que le gouvernement britannique fasse ce qu’il doit faire et intervienne pour protéger le journalisme et la liberté de la presse », plaide la militante, qui réclame la libération immédiate de M. Assange.

Il ne devrait pas être détenu un jour de plus à la prison de Belmarsh. Assez, c’est assez !

Rebecca Vincent, représentante de Reporters sans frontières

La conjointe de Julian Assange, Stella Morris, qui s’est mariée avec l’Australien lors d’une cérémonie minimaliste tenue derrière les barreaux il y a un mois, a indiqué dans une vidéo retransmise sur Twitter que l’annonce du tribunal l’avait « frappée au ventre », même s’il s’agissait essentiellement d’une « formalité » à ce stade.

« Le Royaume-Uni n’a aucune obligation d’extrader Julian Assange vers les États-Unis. En fait, il se doit de ne pas le faire en raison de ses obligations internationales », a-t-elle plaidé en relevant qu’il serait absurde de confier son mari à un pays ayant « planifié son assassinat ».

WikiLeaks, une affaire juridico-politique

Elle faisait ainsi écho à une enquête du site Yahoo! News parue à l’automne indiquant que les services de renseignement américains auraient envisagé en 2017 d’enlever Julian Assange, voire de l’éliminer, alors qu’il était terré dans l’ambassade d’Équateur à Londres pour échapper à la justice.

L’enquête en question relevait que Mike Pompeo, alors à la tête de la CIA, était furieux de la diffusion par WikiLeaks d’informations confidentielles relativement au programme de cyberpiratage de l’organisation.

La demande d’extradition des États-Unis qui a été formulée par la suite ne fait pas mention de cette fuite. Les accusations portent plutôt sur le rôle du lanceur d’alerte dans l’obtention par l’ex-militaire Chelsea Manning de documents confidentiels relativement aux actions militaires américaines en Irak et en Afghanistan et de milliers de câbles diplomatiques.

La diffusion de ces câbles avait profondément embarrassé l’administration de l’ex-président Barack Obama, qui avait décidé de ne pas viser Julian Assange judiciairement après avoir conclu que ses actions étaient protégées par les dispositions constitutionnelles sur la liberté de la presse.

Son successeur, Donald Trump, qui s’était dit admiratif de WikiLeaks alors que l’organisation diffusait des courriels embarrassants pour le camp démocrate lors de la campagne présidentielle de 2016, a durci son approche rapidement à son arrivée en poste.

Julian Assange avait trouvé refuge dans l’ambassade d’Équateur en 2013 pour échapper aux suites d’une enquête suédoise sur des allégations d’agression sexuelle qui a été classée sans suite.

Son entourage a relevé à plusieurs reprises qu’il craignait en fait d’être rapidement transféré aux États-Unis après une hypothétique extradition vers ce pays scandinave.

Demande d’extradition

Les autorités britanniques l’ont arrêté, avec l’assentiment de l’Équateur, en 2019 et il demeure en détention depuis pendant que la demande d’extradition chemine dans les tribunaux.

Un juge de première instance avait refusé l’extradition de Julian Assange l’année dernière au motif qu’il souffrait de dépression et risquait de vouloir se donner la mort advenant sa détention aux États-Unis.

La Haute Cour de Londres a invalidé cette décision en décembre en invoquant notamment des garanties formelles données par Washington quant aux conditions de détention dont il pourrait bénéficier après son transfert outre-Atlantique.

La Cour suprême a refusé en mars de se pencher sur un nouvel appel présenté par son équipe d’avocats en relevant qu’il ne soulevait pas de « point de droit défendable », mettant la table pour la décision rendue cette semaine.

Comme elles l’ont fait à plusieurs reprises, plusieurs organisations de défense de la liberté de la presse qui s’inquiètent de l’impact potentiel d’une condamnation de Julian Assange sur la pratique journalistique sont revenues à la charge cette semaine.

Le directeur du Comité pour la protection des journalistes, Robert Mahoney, s’est dit « gravement préoccupé » par la décision et a lancé un appel pressant à l’administration du président Joe Biden.

Les États-Unis, dit-il, « devraient abandonner les accusations et cesser leur poursuite acharnée d’Assange, qui crée un terrible précédent juridique ».