(Paris) En faisant appel à des supplétifs syriens et tchétchènes, Moscou compte étoffer les rangs de son armée en Ukraine et l’aider à s’emparer des centres urbains.

Près de trois semaines après le début de l’invasion russe en Ukraine, la totalité des 150 000 soldats aupravant massés aux frontières sont désormais déployés dans le pays. Selon l’état-major français, « les Russes n’ont plus de réserves dans la zone ».

Or « sans renfort matériel et humain massif, la Russie ne capturera pas l’Ukraine » après avoir « raté son entrée en guerre » en échouant à remporter rapidement des victoires décisives et en se heurtant à une résistance ukrainienne plus solide qu’escompté, fait valoir Mathieu Boulègue, spécialiste de la Russie au centre de réflexion britannique Chatham House.

Dans ce contexte, la Russie a affirmé vendredi que 16 000 volontaires syriens étaient prêts à rejoindre le front ukrainien, un scénario approuvé par le président Vladimir Poutine, qui a apporté un soutien militaire considérable au régime syrien depuis l’automne 2015, sauvant de facto le pouvoir de Bachar al-Assad.

Si ces renforts étrangers se concrétisaient sur le terrain, ils permettraient en outre à Moscou de rompre son isolement sur la scène diplomatique.

La Russie embauche des « assassins syriens » pour « détruire » l’Ukraine, a dénoncé le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Ce n’est pas la première fois que des miliciens syriens sont mobilisés sur des théâtres étrangers : des Syriens ont été déployés par la Russie et la Turquie en Libye, et par la Turquie dans la région du Nagorny-Karabakh.

Selon des témoignages de volontaires syriens recueillis sous couvert d’anonymat par l’ONG Syrians for truth and Justice (STJ), Moscou a demandé aux services syriens d’engager une campagne de recrutement dans les provinces sous contrôle du régime auprès d’hommes ayant une expérience du combat urbain.

« Besoin de forces irrégulières »

L’armée russe « n’exclut pas la possibilité de prendre le contrôle total des grandes villes qui sont déjà encerclées », a prévenu lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, alors que plusieurs villes ukrainiennes subissent des bombardements russes intensifs, pendant que les combats font rage aux abords de la capitale Kyiv que les troupes russes cherchent à encercler.

Or la prise d’une ville est généralement sanglante, destructrice et les combats à très courte distance, au milieu d’un champ de ruines, d’une grande brutalité.

En 2016, la ville syrienne d’Alep aux mains des rebelles avait été le théâtre d’une offensive et un siège impitoyables par l’armée syrienne, aidée de l’aviation russe.  

Pour qu’un rapport de force soit favorable en milieu urbain, il doit être d’environ dix à un, selon une source militaire française, car l’avantage y est toujours au défenseur, qui disposant d’une meilleure connaissance du terrain, peut rapidement se déplacer d’un point à un autre et jouit du contrôle des points hauts comme les immeubles.

Vladimir Poutine « a besoin d’effectifs, plus que ce qu’il pensait. Et besoin de forces irrégulières puisque cette guerre devient insurrectionnelle », avec une armée et une population ukrainiennes très mobilisées face à l’agresseur russe, commente une source sécuritaire occidentale.

Outre l’appel à des supplétifs syriens, Moscou s’est déjà adjoint l’aide de troupes tchétchènes en Ukraine.

Le dirigeant de la république russe de Tchétchénie Ramzan Kadyrov, un protégé du président Vladimir Poutine, a assuré lundi se trouver non loin de Kyiv, aux côtés des forces de Moscou.

M. Kadyrov, dénoncé par les ONG internationales pour les graves violations des droits humains qui ont lieu dans sa république du Caucase, a publié sur Telegram une vidéo le montrant en tenue militaire, en train d’étudier des plans autour d’une table avec des soldats dans une salle.

Les forces sous contrôle de M. Kadyrov sont accusées de nombreuses exactions en Tchétchénie.