(Rzeszow, Pologne) La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly qualifie de « moment historique » ce qui s’est passé mardi à Genève, alors que la salle s’est vidée de la vaste majorité de ses diplomates au moment où son homologue russe Sergueï Lavrov a pris la parole. Elle se réjouit aussi de voir des Russes défier leur président en manifestant dans les rues.

« Au départ, le ministre Lavrov devait être présent. Et déjà, on s’organisait pour trouver une façon de lancer un message fort », raconte la cheffe de la diplomatie du Canada, qui a participé au mouvement de boycottage du discours russe – un « premier grand geste » d’une coalition « anti-guerre » qui se bâtit.

« L’ambassadrice de l’Ukraine s’est levée, et ensuite, une très grande majorité a suivi. Et donc, c’était très émouvant. Nous sommes sortis, puis sommes descendus en bas, et de façon spontanée, on a respecté une minute de silence », poursuit-elle en entrevue lors de sa visite à Rzeszow, en Pologne.

Ce pied de nez « historique » survient dans une période elle aussi « historique », estime Mélanie Joly. Car la « stabilité du monde entier est en jeu en ce moment », et à son avis, ce que Vladimir Poutine est parvenu à réaliser avec ce dangereux coup de dés, c’est « d’unir l’Ouest ».

Le courage des Russes

Vladimir Poutine s’est également aliéné une partie de sa population. Depuis que Moscou a déclaré la guerre à Kyiv, des gens manifestent dans les rues de Russie, malgré les risques qu’ils courent en défiant l’homme fort du Kremlin. Un « courage » que la ministre canadienne applaudit, et qui tire une partie de sa puissance dans la circulation de l’information.

« C’est une des premières fois qu’une guerre est en direct sur les médias sociaux. Et donc, ça amène beaucoup de transparence, beaucoup d’échange d’informations par les civils, et c’est pour ça que la lueur d’espoir dans ce conflit-là, ce sont les mouvements de protestation en Russie », analyse-t-elle.

Assez pour faire reculer Vladimir Poutine ? À cela, Mélanie Joly répond ceci : « Un leader ne peut pas avoir de légitimité si son peuple ne le soutient pas ».

Visite en Pologne

La ministre effectuait une visite éclair en Pologne mercredi. Après avoir rencontré le personnel de l’ambassade du Canada en Ukraine qui a été relocalisé temporairement à Rzeszow. ville du sud-est de la Pologne, elle a visité la gare, où elle a pu échanger avec des Ukrainiens qui ont fui la guerre.

Plus de 450 000 réfugiés ukrainiens se sont frayé un chemin jusqu’au pays voisin depuis le début de la guerre, le 24 février dernier, selon ce que rapportait mercredi la Polish Press Agency. Le nombre de personnes déplacées, lui, atteint les 874 000, calcule l’Agence des Nations unies pour les réfugiés – et les chiffres sont de mercredi matin.