La Chine, qui entretient des liens étroits avec la Russie, tente de jouer les équilibristes face à la crise ukrainienne en plaidant pour une solution négociée tout en évitant de dénoncer l’« opération militaire spéciale » ordonnée par Moscou.

Le ministère des Affaires étrangères de la Chine a donné un nouvel exemple de cette approche vendredi en résumant dans un communiqué les grandes lignes d’une rencontre téléphonique tenue en matinée entre le président de la Chine, Xi Jinping, et son homologue russe, Vladimir Poutine.

Le dirigeant chinois, indique le texte, a souligné à cette occasion qu’il était important « de prendre au sérieux et de respecter les préoccupations sécuritaires raisonnables de tous les pays » et d’en arriver à négocier un nouveau mécanisme pour assurer la sécurité en Europe.

Il a précisé par ailleurs que son pays croyait « depuis longtemps » qu’il était nécessaire « de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays ».

Mercredi, peu de temps avant le déclenchement de l’offensive, une représentante du ministère des Affaires étrangères de Chine, Hua Chunying, avait imputé aux États-Unis la détérioration de la situation sécuritaire en Ukraine en évitant, là encore, de critiquer directement la Russie.

« Lorsque les États-Unis ont favorisé cinq vagues d’expansion de l’OTAN vers l’est jusqu’aux portes de la Russie, et qu’ils ont déployé des armes offensives stratégiques sophistiquées malgré les assurances qui avaient été données à Moscou, ont-ils pensé à ce qui pouvait arriver lorsqu’on mettait un grand pays au pied du mur ? », a-t-elle demandé.

Position délicate

Bill Hayton, spécialiste de la Chine rattaché au centre de recherche anglais Chatham House, pense que Pékin « aimerait mieux ne pas avoir à répondre » aux questions soulevées par l’opération militaire en cours en Ukraine.

L’initiative musclée de Moscou, dit M. Hayton, place en effet Xi Jinping dans une position délicate. Il ne veut pas s’aliéner le dirigeant russe, mais ne peut non plus le soutenir publiquement sans réserve sans violer le principe d’intégrité territoriale que son pays revendique pour écarter tout mouvement « sécessionniste ».

Jude Blanchette et Bonny Lin, du Center for Strategic and International Studies (CSIS), notent dans une récente analyse que le régime chinois s’oppose en fait à ce que d’autres puissances s’adonnent à une forme de « révisionnisme » territorial, mais se permet lui-même de le faire, comme le montre son « appétit pour Taiwan » ou ses projets expansionnistes en mer de Chine méridionale.

Cette réserve explique notamment, disent-ils, que Pékin n’a jamais reconnu l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014.

La Chine craint par ailleurs, en offrant un appui trop manifeste à Moscou relativement à l’opération en cours en Ukraine, de s’aliéner les pays membres de l’Union européenne et d’aggraver ses relations avec les États-Unis, recréant du même coup une dynamique de « guerre froide » dans laquelle elle formerait un bloc avec la Russie.

La situation, soulignent les chercheurs du CSIS, pourrait se concrétiser si Pékin offre dans les prochains mois un soutien économique accru à la Russie pour contourner les sanctions découlant de l’intervention ukrainienne.

Il est « très peu probable », en raison des difficultés diplomatiques découlant pour Pékin de la crise, d’imaginer que le régime chinois a « donné son aval » à une invasion de l’Ukraine, relèvent M. Blanchette et Mme Lin.

Partenariat « illimité »

L’hypothèse avait été avancée par certains analystes après une rencontre à Pékin début février entre Xi Jinping et Vladimir Poutine, juste avant l’ouverture des Jeux olympiques.

Les deux dirigeants ont alors produit une longue déclaration commune dans laquelle ils insistaient sur le caractère « illimité » de leur partenariat et leur volonté de s’opposer à toute « tentative de forces extérieures visant à miner la stabilité et la sécurité » de leur région.

Les deux pays ont signifié à cette occasion leur opposition à toute tentative d’expansion de l’OTAN.

Le secrétaire général de l’alliance militaire atlantique, Jens Stoltenberg, a dénoncé leur déclaration à la mi-février en relevant que « les deux puissances autoritaires travaill[aient] ensemble » pour faire avancer leurs intérêts.

« Ils n’aiment pas nos valeurs, la liberté et la démocratie. Et c’est pourquoi ils cherchent à priver des nations souveraines et démocratiques du droit de choisir leur propre avenir », a-t-il déclaré.