Boris Johnson a survécu physiquement à la COVID-19. Mais il n’y survivra peut-être pas politiquement.

Le premier ministre britannique est plus que jamais sous le feu des critiques cette semaine, après de nouvelles révélations concernant des fêtes illégales à Downing Street pendant le premier confinement de la COVID-19. Invité à rendre des comptes, « BoJo » a présenté ses excuses au Parlement mardi, sans convaincre l’opposition, qui réclame sa démission sur fond de grogne populaire.

Le scandale en question est la tenue d’un garden-party qui s’est déroulée le 20 mai 2020 dans le jardin de la résidence du premier ministre. Un courriel, divulgué lundi par ITVNews, révèle qu’une centaine de personnes avaient été invitées à une réception par le secrétaire privé de Boris Johnson, alors que les Britanniques n’étaient pas autorisés à voir plus d’une personne à la fois à l’extérieur.

PHOTO DOMINIC LIPINSKI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Boris Johnson dans le jardin de Downing Street, en juin dernier

Dans une Chambre des communes surchauffée, le premier ministre a tenté d’éteindre le feu, mardi, en assumant la « responsabilité » des « erreurs » qui avaient été commises. Dans une intervention aux termes soigneusement pesés, il a admis avoir été présent ce soir-là dans le jardin, qu’il a décrit comme alors « constamment » utilisé en raison des vertus du grand air contre le virus.

Cherchant tant bien que mal à se disculper, il a ajouté que cet espace vert était une « extension des bureaux » et a décrit la rencontre comme une simple « réunion de travail ».

Mais le ton et le contenu du courriel qui a fuité laissent peu de doutes sur la véritable nature du rassemblement, les convives y étant plutôt invités à « profiter du beau temps » et « à partager un verre » tout en maintenant la distanciation physique. « Apportez votre propre bouteille », conclut le message, dans un langage familier apparenté au jargon des restaurants.

La grogne des électeurs

Ce n’est pas la première « affaire » concernant des fêtes à Downing Street pendant le confinement de 2020. Avant Noël, d’autres fuites avaient révélé des écarts du même ordre, à l’intérieur et à l’extérieur de la résidence, avec des « soirées quiz » entre employés et des réunions « vins et fromages ».

C’est la première fois, en revanche, que le premier ministre est directement impliqué dans ce manquement à loi, ce qui décuple la fureur des Britanniques.

Depuis lundi, la colère est vive dans les médias. Des citoyens lambda se disent révoltés par l’impunité du leader conservateur, alors qu’eux se soumettaient docilement aux restrictions sanitaires.

Sur les ondes de Good Morning Britain mardi, une mère en deuil a raconté, en serrant les dents, qu’elle n’avait pu assister aux funérailles de son fils de 14 ans, tandis que Boris Johnson faisait fi des restrictions imposées par son propre gouvernement.

Sur Twitter, l’association des proches des victimes de la COVID-19 Bereaved Families for Justice a accusé pour sa part le premier ministre de prendre les Britanniques « pour des imbéciles en prétendant qu’il ne savait pas que c’était une fête » : « Il est incapable de dire la vérité et doit partir. »

Un vote de défiance ?

L’opposition n’a pas non plus manqué de sauter sur l’os, en réclamant le départ du premier ministre de 57 ans, longtemps perçu comme un politicien téflon.

Accusant Johnson de mensonges, le chef travailliste Keir Starmer a jugé la défense de Johnson « tellement ridicule » qu’elle en est « insultante » pour ses compatriotes. La « seule question » est, selon le chef du Labour, de savoir si les Britanniques ou son parti le « mettront dehors ».

De fait, Boris Johnson ne semble plus à l’abri d’un vote de défiance au sein de sa formation politique, dont certaines figures n’hésitent plus à exprimer ouvertement leur exaspération face à l’accumulation des faux pas et le climat d’impunité qui règne à Downing Street.

On peut légitimement se demander qui voudrait qui voudrait du poste de « BoJo » en cette période de crise sanitaire particulièrement pénible, mais le scénario de son remplacement n’est plus à exclure, alors que circulent les noms des ministres des Finances Rishi Sunak ou des Affaires étrangères Liz Truss.

Il suffirait que 15 % des députés conservateurs (54 élus) envoient un vote de défiance au groupe parlementaire du parti (le Comité 1922) pour qu’un vote se tienne à l’interne.

Tout le monde semble du reste vouloir attendre le rapport de l’enquête concernant ce garden-party arrosé. Son contenu pourrait déterminer l’ampleur de la fronde. Tout comme les sondages à venir, potentiellement dévastateurs pour les torys, ou les résultats des élections locales du printemps, qui pourraient peser sur l’avenir professionnel de l’actuel premier ministre, longtemps perçu comme un politicien téflon.

Johnson pourrait entre temps avoir la « décence de démissionner », pour reprendre les mots du chef de l’opposition. Mais ce scénario semble peu probable, selon le politologue Tim Bale.

« C’est toujours possible, mais il sera réticent, conclut ce spécialiste du Parti conservateur de l’Université Queen Mary de Londres. S’il le fait, il sera l’un des premiers ministres avec le plus court règne de l’époque récente. Il aura duré encore moins longtemps que Gordon Brown et Teresa May ! Rien ne l’exclut, cela dit. Il pourrait décider que le jeu n’en vaut plus la chandelle. D’autant qu’il ferait fortune avec ses livres et ses conférences après avoir démissionné. Mais il rêve au job de premier ministre depuis qu’il est petit garçon. Alors je serais surpris qu’il y renonce si facilement. »

Avec l’Agence France-Presse