(Erevan) Le premier ministre arménien Nikol Pachinian a estimé jeudi que la situation était « tendue et explosive » à la frontière avec l’Azerbaïdjan, où six soldats d’Erevan ont été faits prisonniers par les troupes de Bakou.

Selon Erevan, les six militaires ont été capturés alors qu’ils se trouvaient en territoire arménien et menaient des « travaux de génie » tandis que Bakou les accuse de faire partie d’un « groupe de sabotage » entré en Azerbaïdjan pour y poser des mines.

« La situation est tendue et explosive », a déclaré dans une vidéo publiée sur Facebook M. Pachinian, en visite dans le district de Guégarkounik, dans l’est de l’Arménie, où a eu lieu cet incident.

Selon lui, des escarmouches sont régulières entre les troupes arméniennes et des soldats azerbaïdjanais ayant franchi la frontière.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont affrontés à l’automne 2020 dans une courte guerre pour le contrôle de la région séparatiste du Nagorny Karabakh ayant fait 6000 morts.

Elle s’est terminée par la défaite d’Erevan, contrainte de céder à l’Azerbaïdjan des territoires qu’elle contrôlait depuis trois décennies et qui formaient un glacis sécuritaire autour du Nagorny Karabakh, resté lui essentiellement aux mains d’Erevan.

Ces dernières semaines, de nouvelles tensions ont failli dégénérer, Erevan accusant les forces azerbaïdjanaises de tenter de prendre le contrôle de nouveaux territoires.

Nikol Pachinian a affirmé plus tôt jeudi, au cours d’une réunion gouvernementale, que les soldats capturés « effectuaient des travaux d’aménagement de la frontière », notamment en installant des panneaux d’avertissement près des mines alors que la région a la réputation d’être l’une des plus minées au monde.

Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a lui affirmé qu’il s’agissait d’un « groupe de reconnaissance et de sabotage », qui a tenté vers 3 h du matin de « s’introduire sur notre territoire » avant d’être capturé.

Selon le communiqué, les soldats tentaient de poser des mines sur une route de ravitaillement menant vers les positions azerbaïdjanaises.

-Concentration d’unités militaires

Le district de Guégarkounik est frontalier de celui de Kalbajar, que les forces azerbaïdjanaises ont repris cet automne.  

Bakou précise qu’« une concentration de plusieurs unités d’équipement militaire ennemi, dont des chars », était observée dans le secteur jeudi matin.

De son côté, un haut responsable de l’état-major arménien a affirmé que 1000 soldats azerbaïdjanais se trouvaient en territoire arménien et que « si la décision est prise de recourir à la force, ils seront éliminés ».

Mardi, un soldat arménien avait déjà été tué dans un accrochage dans ce district. Les deux pays s’accusent mutuellement depuis cet automne de nombreuses provocations, chacun niant avec véhémence les affirmations de son ennemi.  

Le 13 mai, l’Arménie a accusé les forces azerbaïdjanaises d’avoir violé la frontière pour prendre le contrôle de territoires au bord du lac Sev que se partagent les deux pays.  

L’affaire avait provoqué une montée des tensions et Washington comme Paris avaient réclamé un « retrait immédiat des troupes azerbaïdjanaises du territoire arménien ».

À l’issue de la guerre de l’automne 2020, les forces azerbaïdjanaises avaient été redéployées dans les territoires frontaliers reconquis, entraînant ces tensions.  

Celles-ci persistent malgré le cessez-le-feu signé sous l’égide de Moscou et le déploiement de soldats de la paix russes, et la crainte d’un nouvel embrasement inquiète Moscou comme les pays occidentaux.

Le conflit du Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie déstabilise le Caucase depuis plus de trente ans. Erevan avait remporté au début des années 1990 une première guerre.

Sous pression de l’opposition depuis la défaite de l’automne, Nikol Pachinian est quant à lui en campagne électorale après avoir dû convoquer des législatives anticipées en juin.