(Berlin) Le laboratoire allemand BioNTech a estimé jeudi que la protection des brevets sur les vaccins anti-COVID-19 n’était pas le facteur limitant la production et l’approvisionnement de son vaccin développé avec l’américain Pfizer.

« Les brevets ne sont pas le facteur limitant la production ou l’approvisionnement de notre vaccin », a déclaré à l’AFP le laboratoire après que les États-Unis se sont déclarés favorables à la levée des brevets pour accélérer la production et la distribution de doses dans le monde.

Pour BioNTech, une telle mesure n’aurait pas d’effet « à court et moyen terme ».  

« Les experts ont déjà souligné que la mise en place et la validation de nouveaux sites de production prennent en général un an », argumente-t-il.

Par ailleurs, la production de vaccin à ARN messager, comme celui mis au point par BioNTech et l’américain Pfizer, « est un processus complexe développé sur plus d’une décennie. Toutes les étapes doivent être définies et exécutées de façon précise », par un « personnel expérimenté », a-t-il notamment expliqué.

Si toutes les exigences ne sont pas remplies, la qualité et l’efficacité du vaccin pourraient en être affectées. « Cela pourrait mettre la santé des personnes vaccinées en danger », a ajouté un porte-parole de BioNTech, un laboratoire allemand.

L'Allemagne contre la levée des brevets

Le gouvernement allemand a pour sa part veut que les brevets des vaccins restent « protégés », a indiqué une porte-parole de la chancelière Angela Merkel. « La protection de la propriété intellectuelle est la source de l’innovation et doit continuer à l’avenir à le rester », a-t-elle ajouté en réaction à l’annonce des États-Unis.

BioNTech, qui tablait pour 2021 sur la fabrication de jusqu’à 2,5 milliards de doses de son vaccin, dit avoir désormais « la capacité » de produire jusqu’à 3 milliards de doses cette année et plus de 3 milliards l’année prochaine.

Sur le territoire de l’UE, deux usines, en Belgique et en Allemagne, sont les plateformes centrales de la fabrication des doses du sérum à ARN messager.

BioNTech privilégie les transferts de technologie et la délivrance de licences ciblées pour augmenter la production de son vaccin, a-t-il réaffirmé, soulignant être en étroite collaboration avec plus de 15 partenaires, dont Merck, Novartis Sanofi et Baxter.

« Des promesses vides », dit Pfizer, qui tient à ses brevets

À ce sujet, le PDG du géant pharmaceutique américain Pfizer, Albert Bourla, a déclaré jeudi qu’il n’était « pas du tout » en faveur de la décision des États-Unis de soutenir la suspension temporaire des brevets des vaccins anti-COVID-19.

Ouvrir des sites de production du vaccin BioNTech-Pfizer ailleurs que ceux existant aux États-Unis et dans l’UE serait compliqué par les goulots d’étranglement sur les matières premières, au risque de « réduire le nombre de doses » produites, a-t-il estimé, appelant à « ne pas perturber (les opérations de production) avec des annonces politiquement motivées, des promesses vides ».

L’Organisation mondiale du commerce est pour

La patronne de l’Organisation mondiale du commerce a « accueilli chaleureusement » jeudi l’annonce par les États-Unis qu’ils étaient favorables à une levée des brevets sur les vaccins anti-COVID-19, pour augmenter la production des doses.

Elle a encouragé l’Inde et l’Afrique du Sud, à l’origine de la proposition, à présenter rapidement un texte révisé. « C’est seulement en nous asseyant autour de la table que nous trouverons le moyen pragmatique et acceptable pour tous les membres d’avancer », a dit Ngozi Okonjo-Iweala, selon un communiqué lu par le porte-parole de l’OMC, Keith Rockwell.

Un accord devra « augmenter l’accès des pays en développement aux vaccins tout en protégeant et en soutenant la recherche et l’innovation, si vitales pour la production de ces sérums qui sauvent des vies », a-t-elle souligné.

Les partisans estiment que cette suspension permettra d’accroître la production de vaccins pour réduire l’iniquité vaccinale, qui voit actuellement les pays riches tenter d’immuniser 70 % de leur population dans les mois qui viennent alors que les pays pauvres n’ont pu protéger qu’une toute petite portion de leurs populations les plus à risque.

L’Union européenne s’est elle-même dite jeudi « prête à discuter » d’une levée des brevets, un sujet qui s’invitera au sommet des 27 à Porto vendredi, tout en se montrant sceptique sur l’efficacité d’une telle mesure pour accélérer la vaccination mondiale.

Jusqu’à présent, l’UE ne s’y disait pas favorable, arguant que cette solution prendrait du temps, faute de moyens de production immédiatement mobilisables.