(Ottawa) Faisant face à la perspective d’une invasion russe, l’Ukraine accueillerait volontiers un plus grand nombre de soldats canadiens sur son territoire, signale le chargé d’affaires de l’ambassade de Kiev à Ottawa, Andrii Bukvych. « Très préoccupé » par l’attitude du Kremlin, Justin Trudeau n’écarte pas l’option d’envoyer davantage de soldats – mais pas en mission de combat.

Au cours des derniers jours, on a accusé Moscou d’avoir massé des dizaines de milliers de soldats à la frontière, faisant redouter une attaque contre l’intégralité du territoire ukrainien, sept ans après l’annexion illégale de la Crimée. Le président des États-Unis, Joe Biden, en a d’ailleurs discuté avec son homologue de la Russie, Vladimir Poutine, mardi.

Le locataire de la Maison-Blanche a averti l’homme fort du Kremlin que s’il envahissait l’Ukraine, il y aurait de « fortes sanctions » économiques, tandis que le président de la Russie a exigé – en vain – des garanties sur un gel de l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), groupe auquel Kiev tente de se joindre depuis des années.

PHOTO FOURNIE PAR LA MAISON-BLANCHE VIA ASSOCIATED PRESS

Rencontre virtuelle entre le président des États-Unis, Joe Biden, et son homologue russe, Vladimir Poutine, mardi

L’adhésion à cette alliance militaire est la clé de voûte, assure Andrii Bukvych dans son bureau de l’ambassade. « C’est la meilleure réponse asymétrique à l’agression russe. Il s’agit de la meilleure option possible compte tenu des tactiques de la Russie », expose le diplomate en entrevue.

Évidemment, l’Ukraine ne dirait pas non à l’envoi de plus de soldats canadiens dans le cadre de l’opération Unifier, qui consiste à soutenir les forces de sécurité du pays. « À l’exception d’instructeurs, nous n’avons pas besoin de soldats. […] Nous avons notre propre armée qui sera prête, peu importe ce que la Russie fera », dit M. Bukvych.

C’est également ce qu’a communiqué le premier ministre Trudeau. « Les Canadiens qui sont en Ukraine maintenant sont là pour faire de la formation, ne sont pas là pour faire du combat, et ça, ça ne changera pas », a-t-il affirmé en mêlée de presse, mardi, arguant qu’il serait « inacceptable » que Moscou « lance une campagne » contre Kiev.

« On est très préoccupés par les soldats russes aux frontières », a-t-il laissé tomber.

500 soldats au lieu de 200 ?

Bien que le premier ministre n’ait pas écarté la possibilité que le Canada envoie des renforts – il y a actuellement environ 200 soldats, dont environ 50 instructeurs, sur le sol ukrainien –, on n’en est pas là. Une source gouvernementale a souligné à La Presse qu’on voulait laisser la diplomatie faire son œuvre.

N’empêche, si le Canada décidait d’accroître sa participation à la mission Unifier, « il y a certainement du travail à faire », lance Andrii Bukvych, en indiquant que le nombre de soldats pourrait passer d’environ 200 à 500. « Évidemment, il revient au Canada de prendre une décision », tient-il à préciser.

Au chapitre de l’équipement militaire, l’Ukraine n’a pas de besoins en ce moment.

Mais si le conflit devait s’envenimer, et que la Russie « ose s’attaquer à l’Ukraine une fois de plus », la situation pourrait changer, et « nous aurons assurément besoin de certains équipements, dont des dispositifs de défense antiaérienne et antichars », note le chargé d’affaires.

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Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada, était la semaine dernière à l’OTAN et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Les troubles russo-ukrainiens étaient au menu des discussions de la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, la semaine dernière à l’OTAN et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Elle « a demandé à la Russie de désamorcer les tensions » et de mettre le holà au « déploiement de soldats et de matériel russes en Ukraine et dans les environs », selon un compte rendu officiel.

Pressions conservatrices

Le Parti conservateur semble préconiser l’envoi de renforts.

« Le Canada dispose en Ukraine d’un petit contingent de formation de 200 soldats […]. Quelles options de recours à la force seront déployées pour venir en aide à l’Ukraine ? », a demandé jeudi dernier la députée Kerry-Lynne Findlay à la ministre de la Défense nationale, Anita Anand.

Nous sommes prêts à faire front uni contre toute agression injustifiée de la Russie. Nous continuerons à déployer des efforts multilatéraux pour faire respecter l’ordre international fondé sur les règles, la paix et la démocratie.

Anita Anand, ministre de la Défense nationale

Au Nouveau Parti démocratique, le chef adjoint, Alexandre Boulerice, se demande quel signal enverrait le déploiement de soldats canadiens additionnelles. « Il faudra voir avec nos alliés internationaux, mais [à première vue], envoyer plus de soldats et plus d’armes sur le terrain, ça a plus de [risques] de créer une situation explosive », a-t-il avancé en point de presse, mardi.

Il faudra, surtout, surveiller quelles cartes Vladimir Poutine abattra.

S’il ne veut pas se perdre en conjectures, le chargé d’affaires de l’ambassade d’Ukraine au Canada se désole que son pays soit utilisé comme un pion par le Kremlin. « C’est juste un outil pour déranger l’Occident, pour ruiner l’Union européenne, pour ruiner l’OTAN », affirme M. Bukvych.

Avec l’Agence France-Presse