(Washington) Les dirigeants américains semblaient jouer l’apaisement vendredi au lendemain de l’engagement de Joe Biden à défendre Taïwan en cas d’agression chinoise, les déclarations du président ayant provoqué une vive réaction de Pékin.

La Maison-Blanche a réaffirmé vendredi que la politique des États-Unis envers Taïwan restait la même, précisant que « le président n’annonçait aucun changement dans notre politique ».

« Nous respecterons nos engagements pour permettre à Taïwan de se défendre et nous continuerons à nous opposer à tout changement unilatéral du statu quo », a déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche.

Depuis le siège de l’OTAN à Bruxelles, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin a abondé dans ce sens.

Comme nous l’avons fait dans le passé sous de multiples administrations, nous continuerons d’aider Taïwan avec toutes les sortes de capacités militaires dont il aurait besoin pour se défendre lui-même.

Lloyd Austin, secrétaire américain à la Défense

« Donc, nous restons concentrés sur ces mesures. Et je ne vais pas m’engager dans des spéculations d’aucune sorte en ce qui concerne Taïwan », a-t-il ajouté.

Interrogé jeudi sur la possibilité d’une intervention militaire américaine pour défendre Taïwan, Joe Biden avait répondu par l’affirmative : « Oui, nous avons un engagement en ce sens », avait-il affirmé.

La déclaration du président américain apparaissait contredire la politique tenue de longue date par les États-Unis et dite « d’ambiguïté stratégique ». En vertu de celle-ci, Washington aide Taïwan à construire et renforcer ses défenses, mais sans promettre de manière explicite de venir à son aide en cas d’attaque.

« Aucun changement »

La Chine considère l’île de 23 millions d’habitants, qu’elle ne contrôle pas, comme une de ses provinces en attente de réunification avec le reste du pays et les propos de Joe Biden ont été mal accueillis à Pékin.

« Sur les questions liées à ses intérêts fondamentaux, comme sa souveraineté et son intégrité territoriale, la Chine ne laissera aucune place au compromis », a affirmé Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

« Nous exhortons la partie américaine […] à agir avec prudence sur la question de Taïwan, et de s’abstenir d’envoyer des mauvais signaux aux militants indépendantistes taïwanais afin de ne pas nuire gravement aux relations sino-américaines », a-t-il ajouté.

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis s’engagent à défendre Taïwan. Joe Biden avait déjà fait cet été une promesse similaire, parlant « d’engagement sacré » à défendre les alliés de l’OTAN au Canada et en Europe, et « de même avec le Japon, la Corée du Sud, et Taïwan ».

Un « ton plus dur »

Déjà en 2001, George W. Bush avait déclaré qu’il défendrait Taïwan « quoiqu’il en coûte » et les nouveaux propos de M. Biden pourraient n’être qu’une réaffirmation de l’ambiguïté stratégique américaine.

« Je soupçonne que Biden ne cherchait pas à annoncer un quelconque changement », déclare à l’AFP Richard McGregor, chercheur du cabinet de recherche australien Lowy Institute.

« Soit il n’a pas fait attention à ce qu’il disait, soit il avait peut-être la volonté d’avoir délibérément un ton plus dur, en raison de la façon dont Pékin a renforcé son harcèlement militaire de Taïwan ces derniers temps. »

Les incursions d’avions de guerre chinois se sont multipliées récemment dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de l’île, notamment lorsqu’un nombre record de 149 vols ont traversé la zone de défense aérienne du sud-ouest de Taïwan en quatre jours, alors que la Chine célébrait sa fête nationale.  

Interrogé sur le fait de savoir si les États-Unis seraient en mesure de faire face au développement des programmes militaires en Chine, Joe Biden a également répondu par l’affirmative.

La Chine, la Russie et le reste du monde savent que nous disposons de la plus puissante capacité militaire du monde.

Joe Biden, président américain

Il a cependant réitéré sa volonté de ne pas s’engager dans une nouvelle guerre froide avec Pékin.

Pékin et Washington s’opposent frontalement sur beaucoup de dossiers, mais la question taïwanaise est souvent considérée comme la seule susceptible de provoquer une confrontation armée.

Taïwan jouit d’un système politique démocratique. Le territoire insulaire est dirigé depuis 1945 par un régime (la « République de Chine ») qui s’y était replié après la victoire des communistes en Chine continentale en 1949 à l’issue de la guerre civile chinoise.

Les États-Unis reconnaissent depuis 1979 la République populaire de Chine, au détriment de Taïwan mais le Congrès américain impose parallèlement de fournir des armes à l’île pour sa défense.

Le président chinois Xi Jinping a cependant réaffirmé récemment sa volonté de parvenir à une réunification « pacifique ».