(Téhéran) Menace de procès, interdiction d’importations, les relations entre l’Iran et la Corée du Sud sont au plus bas depuis que Séoul a bloqué des milliards de dollars dus à Téhéran pour son pétrole, en raison des sanctions américaines.

« L’argent bloqué dans les banques sud-coréennes s’élève à 7,8 milliards de dollars », assure à l’AFP le député iranien Aliréza Salimi, impliqué dans ce dossier et très remonté contre Séoul.

« La Corée (du Sud) a reçu le pétrole, mais n’a pas payé […] Elle devrait payer des intérêts sur l’argent qu’elle conserve indûment », tempête-t-il.

L’Iran était le troisième partenaire commercial de Séoul au Moyen-Orient avant le retrait en 2018 des États-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien et les menaces de sanctions proférées par le président d’alors, Donald Trump, contre les pays qui commerceraient avec Téhéran.

« Inacceptable d’attendre »

Téhéran livrait du pétrole à la Corée du Sud qui lui vendait des produits industriels, de l’électroménager et des pièces détachées pour voitures.

Le montant des échanges, qui s’élevait à 12 milliards de dollars en 2017, ne représentait à la mi-juillet 2020 que 111 millions de dollars, selon l’ambassade d’Iran à Séoul.

Certains ont vu dans la saisie en janvier par l’Iran d’un pétrolier battant pavillon sud-coréen — accusé de pollution —, un signe de la mauvaise humeur de la République islamique. Téhéran, qui a fini par libérer le navire en avril, avait cependant nié tout lien avec l’argent bloqué.  

« Les pressions américaines (sur la Corée du Sud) sont un fait, mais nous ne pouvons pas rester les bras croisés », a récemment déclaré le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian.

Il a averti que la Banque centrale iranienne pourrait poursuivre en justice Séoul et a téléphoné à son homologue Chung Eui-yong. « Je lui ai dit que c’était inacceptable que notre peuple attende depuis trois ans », a déclaré le ministre iranien.

À Séoul, un responsable du ministère des Affaires étrangères rejette « l’idée d’une dette de la Corée », parlant de « fonds gelés ».

Selon lui, les sommes dues à l’Iran ne peuvent être transférées « en raison des sanctions américaines, qui empêchent les transactions financières avec Téhéran », explique-t-il.

« Nous avons donc transféré le montant du coût des importations de pétrole sur un compte coréen en won au nom de la banque centrale iranienne. Et lorsqu’une entreprise sud-coréenne exporte vers l’Iran, elle reçoit des paiements de ce compte en won coréens », a-t-il ajouté.

Cité par la presse iranienne, le ministre sud-coréen aurait assuré faire son possible pour régler le contentieux.

En juin, la Corée du Sud avait ponctionné sur le compte en question quelque 16 millions de dollars et les avait versés à l’ONU pour permettre à l’Iran de payer ses cotisations et récupérer son droit de vote, a indiqué le responsable du ministère à Séoul.

L’émissaire des États-Unis pour l’Iran, Rob Malley, s’est entretenu jeudi par téléphone avec le vice-ministre des affaires étrangères sud-coréen Jong Kun Choi.  

« Nous apprécions l’application franche (de la part de la Corée du Sud) des sanctions existantes. Ces sanctions restent en vigueur », tant que les États-Unis et l’Iran ne sont pas pleinement de retour dans l’accord sur le nucléaire, a souligné le porte-parole du département d’État américain, Ned Price.  

Contrebande

Les Américains auraient pourtant donné leur feu vert, affirme Aliréza Salimi, pour que les Sud-Coréens fournissent des marchandises à l’Iran au lieu d’argent.

Pour le responsable sud-coréen, c’est inexact. « Pour l’instant, seules les transactions humanitaires, comme la fourniture de médicaments, sont possibles avec les fonds gelés », a-t-il dit à l’AFP.

Fin septembre, le président iranien, Ebrahim Raïssi, avait interdit l’importation d’électroménagers coréens sur instruction du guide suprême, Ali Khamenei, qui arguait que cela portait atteinte à la production locale.  

Mais dans la rue Amin-Hozour, le bazar de l’électroménager de Téhéran regorge de produits sud-coréens, qui conservent les faveurs des Iraniens, malgré l’interdiction.

Le chef du syndicat des industries d’électroménagers a indiqué mercredi à la presse que 40 % du marché de l’électroménager en Iran provenait de la contrebande, soit l’équivalent de 2,5 milliards de dollars (2,1 milliards d’euros).

« Je préfère acheter des produits étrangers. Ils sont de meilleure qualité et ils ne sont pas plus chers que ceux fabriqués ici », juge Maryam, qui prépare son trousseau de mariée.

Apportant de l’eau à son moulin, le jeune vendeur Sajjad Nazarian confie que « plus de 80 % des clients recherchent des produits étrangers ». Mais, il existe des exceptions.  

« Je préfère acheter “made in Iran” car les produits venant de l’étranger sont plus chers et je veux soutenir la production nationale », indique le tourneur-fraiseur Amine Feizi.

« Ces dernières années, comme notre pays était sous sanctions, la qualité des produits iraniens s’est améliorée », ajoute-t-il en parlant de machines à laver, téléviseurs ou réfrigérateurs.