La question des 20 000 réfugiés afghans en voie de s’établir au Canada témoigne d’une problématique plus large : celle du nombre record de personnes déplacées dans le monde. Selon les Nations unies, plus de 84,4 millions de personnes, dont de 30 à 40 millions d’enfants, avaient été forcées de quitter leur foyer en date de la fin 2020, du jamais vu. Voici quelques-uns des points chauds de la planète.

Éthiopie

Environ 24 000 réfugiés érythréens vivent dans deux camps de réfugiés dans la région du Tigré, dans le nord de l’Éthiopie. Ils sont coincés dans un conflit armé entre les forces érythréenne et éthiopienne. Human Rights Watch fait état « d’exécutions sommaires, de violences sexuelles, de pillages, de détentions arbitraires et d’attaques visant des usines, des écoles et des hôpitaux » dans cette région difficile d’accès où 4 millions de personnes, soit 70 % de la population du Tigré, manquent de nourriture.

PHOTO BERNAT ARMANGUE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Migrants, pour la plupart mineurs, entassés près d'un entrepôt à Ceuta, en mai dernier

Ceuta et Melilla

Enclaves espagnoles sur la côte marocaine, les villes de Ceuta et Melilla sont prises pour destination par des migrants qui tentent d’être admis en Europe. En mai, quelque 8000 personnes, dont 1500 enfants, ont tenté de franchir la frontière en marchant dans l’eau ou en nageant. Beaucoup ont été battues par l’armée espagnole, tandis que la garde côtière a sauvé des gens de la noyade, dont un nouveau-né. France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, note qu’il est faux de parler de « crise » des migrants. « C’est une crise pour les gens qui vivent la migration, qui cherchent à s’établir dans des pays occidentaux, mais ce n’est pas une crise pour nous, dit-elle. La majorité d’entre nous, y compris à Montréal, on est très peu en contact avec ces personnes-là. Ça nous dérange très peu dans notre vie quotidienne. »

PHOTO GO NAKAMURA, ARCHIVES REUTERS

Des migrants font la queue après avoir été arrêtés par des gardes-frontières américains alors qu'ils franchissaient le Rio Grande, le fleuve qui sépare les États-Unis du Mexique.

Frontière États-Unis–Mexique

Environ 70 000 demandeurs d’asile sont entassés dans des camps de fortune du côté mexicain de la frontière avec les États-Unis, dans des conditions dangereuses où ils sont soumis aux enlèvements et à la violence des cartels de trafiquants de drogue. Joe Biden avait décidé de leur permettre de s’établir aux États-Unis, mais la Cour suprême vient de statuer qu’ils doivent rester au Mexique. Parallèlement, les arrivées de migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique ont grimpé de façon draconienne à l’été 2019, pour exploser à nouveau cet été, avec près de 200 000 entrées irrégulières en juillet, du jamais vu depuis plus de 20 ans. Ces gens fuient la violence, note Mme Langlois. « Le Venezuela, le Mexique et l’Amérique centrale sont plus violents que bien des pays qui vivent un conflit armé. »

PHOTO RAJIB RAIHAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des Rohingya attendent d'embarquer dans un bateau au port de Chattogram, au Bangladesh, à destination de Bhasan Char, une île où sont déjà installés, dans un camp, plus de 100 000 réfugiés de leur communauté.

Rohingya en Birmanie

Une des minorités les plus persécutées du monde selon l’ONU, les Rohingya ont été victimes d’une campagne génocidaire menée en 2017 par les militaires birmans. Au nombre de 1,5 million, les Rohingya vivent aujourd’hui surtout dans des camps surpeuplés et insalubres au Bangladesh, alors que d’autres ont pris la mer pour se rendre en Malaisie ou en Indonésie. La Birmanie ne les reconnaissant pas comme des citoyens, les Rohingya sont apatrides. Le coup d’État mené par les militaires en Birmanie en février dernier ne laisse pas présager un retour au calme dans le pays pour les Rohingya.

PHOTO MERIDITH KOHUT, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Familles de migrants vénézuéliens réfugiés à Pacaraima, au Brésil

Venezuela

La violence endémique et les pénuries de nourriture, de médicaments, d’essence et d’électricité ont poussé un nombre grandissant de Vénézuéliens à fuir pour s’établir dans les pays limitrophes, notamment en Colombie (1,4 million de personnes), au Pérou (870 000) et en Équateur (385 000). En date de la fin 2020, un Vénézuélien sur six avait quitté le pays, ce qui représente 5,6 millions de personnes. « Jamais dans notre histoire en Amérique latine nous n’avons été confrontés à un tel mouvement de personnes hors d’un pays qui était l’un des plus riches de la région et d’un pays qui n’est pas en guerre », a dit au Guardian Eduardo Stein, représentant spécial des Nations unies pour les réfugiés.

PHOTO ALEXIS HUGUET, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un employé du Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU accueille des réfugiés centrafricains dans un camp établi dans la République démocratique du Congo.

République centrafricaine

L’un des pays les plus pauvres de la planète, la République centrafricaine est déchirée par des conflits armés depuis des années. Plus de 630 000 réfugiés centrafricains ont fui souvent à pied et dans des conditions de pauvreté extrême vers des pays voisins, dont le Cameroun, le Tchad, la République démocratique du Congo et le Congo. Un nombre équivalent est déplacé à l’intérieur même du pays.

PHOTO ZAID AL-OBEIDI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Jeunes réfugiés irakiens dans le camp d'Al-Jadaa, au sud de Mossoul

Irak

Des décennies de conflits en Irak ont causé un déplacement important de la population. À la fin de 2019, près de 2 millions d’Irakiens étaient déplacés à l’intérieur du pays, principalement dans la région du Kurdistan, alors qu’on comptait près de 287 000 réfugiés et demandeurs d’asile irakiens à l’extérieur du pays. Malgré une diminution des violences, le pays reste en proie aux attaques sporadiques, alors que 18 % de la population a besoin d’aide humanitaire, dont 3 millions d’enfants.

1 million

Nombre d’enfants nés dans une vie de réfugiés dans le monde depuis 2018

3,7 millions

Nombre de réfugiés syriens actuellement en Turquie, soit la plus grande population de réfugiés au monde

La très grande majorité des personnes déplacées se trouvent dans des pays en développement. C’est un très petit nombre qui arrivent dans les pays occidentaux, qui, pourtant, ont de loin la plus grande capacité pour les accueillir.

France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone

Crime de guerre

La Cour pénale internationale considère le déplacement forcé de la population civile comme un crime de guerre, tant dans un conflit armé de niveau international que dans un conflit national.

Source : Nations unies