Des princesses en fuite qui auraient été kidnappées par leur père, des accusations de mariage forcé, puis le divorce de l’un des hommes les plus riches du monde. Voilà que la vie personnelle de Mohammed ben Rachid Al Maktoum, l’émir de Dubaï qui a longtemps été proche de la reine Élisabeth, a des conséquences géopolitiques, avec en trame de fond des questions troublantes : sa fille Latifa est-elle réellement libre ? Sa sœur Shamsa est-elle toujours vivante ? 

Qui est le cheik Mohammed ben Rachid Al Maktoum ?

PHOTO JUSTIN TALLIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Mohammed ben Rachid Al Maktoum (à gauche), en compagnie de son ancienne femme Haya Bint al Hussein, du prince Edward et de la reine Élisabeth lors d'une course hippique à l'hippodrome d'Ascot, près de Londres, en 2016

Émir de Dubaï, vice-président et premier ministre des Émirats arabes unis depuis 15 ans, Mohammed ben Rachid Al Maktoum est l’un des souverains les plus riches du monde, selon le magazine Forbes, avec une fortune évaluée à 5,5 milliards de dollars en 2010. En plus de posséder une grosse collection de tableaux, il est reconnu comme étant le plus grand propriétaire de chevaux au monde (quelque 4000). D’où le lien amical avec la reine Élisabeth (elle-même folle de courses hippiques), avec laquelle il a été photographié plusieurs fois. Côté familial, l’émir s’est marié six fois et, à 70 ans, il serait père une trentaine de fois.

Fuite et enlèvement de princesses

En 2002, l’une de ses filles, Shamsa, a tenté de fuir les Émirats arabes unis pour gagner Oman. Elle aurait été enlevée, ramenée dans son pays d’origine et enfermée dans le palais de son père pendant neuf ans. Elle n’a plus été revue en public depuis lors. En 2018, c’est au tour de sa sœur, la princesse Latifa, alors dans sa jeune trentaine, de tenter de s’évader de l’émirat à bord d’un yacht privé, accompagnée d’une amie finlandaise et d’un entrepreneur français. Au bout de huit jours en mer, un commando d’une quinzaine d’hommes rattrapera la princesse Latifa, la mettra dans un hélicoptère puis dans un avion privé pour la ramener à Dubaï, ce que dénoncera Amnistie internationale. En février, la princesse Latifa déclare dans une vidéo être prise en otage depuis trois ans par son père, être enfermée dans une villa « reconvertie en prison » et craindre pour sa vie. La famille régnante de Dubaï rétorque que Latifa est au contraire « prise en charge chez elle » et que « son état s’améliore ». L’ONU réclame alors des Émirats arabes unis des preuves qu’elle est en vie, avant de retirer sa demande en mai.

Un divorce explosif

La dernière femme du cheik est Haya Bint al Hussein, fille du défunt roi Hussein de Jordanie. Éduquée dans quelques-unes des plus prestigieuses institutions de Grande-Bretagne, elle décrochera un diplôme de l’Université d’Oxford et parcourra le monde à titre d’ambassadrice de la paix pour l’ONU et de farouche partisane de l’émancipation de la femme. Au printemps 2019, surprise. Contrairement à tous les ans, Haya n’est pas à Ascot, prestigieuse compétition hippique anglaise à laquelle elle assiste bon an, mal an avec son mari, dans la loge royale aux côtés de la reine Élisabeth, de Charles et de Camilla. Et pour cause. Disant craindre pour sa sécurité et celle de ses enfants – elle accuse l’émir de vouloir marier leur fille de 11 ans avec le prince héritier d’Arabie saoudite –, Haya Bint al Hussein demande le divorce après 15 ans de mariage. Elle fuira d’abord vers l’Allemagne, puis vers l’Angleterre, pays dont elle détient la citoyenneté. Son ex-époux, lui, dira dans un poème sur Instagram que sa femme l’a trompé.

Les enlèvements refont surface

La famille royale britannique se retrouve ainsi dans la fâcheuse position d’être coincée entre deux ex, Madame se trouvant sur son territoire, à Kensington Palace Gardens (un quartier d’ambassades et de riches demeures) et Monsieur dirigeant les Émirats arabes unis avec lesquels l’Angleterre entretient des liens diplomatiques et économiques étroits. C’est dans le cadre des procédures entourant ce divorce que les enlèvements de Shamsa et de Latifa (qui ne sont pas les filles de Haya) ont refait surface quand un juge anglais statuera que le cheik a « ordonné » et « orchestré » leur enlèvement.

Soudain, la princesse Latifa réapparaît

PHOTO TIRÉE D'INSTAGRAM, VIA REUTERS

La princesse Latifa (au centre) avec deux autres femmes, possiblement dans un centre commercial de Dubaï, dans une photo non datée publiée en mai sur Instagram

Or, voilà que Latifa est réapparue ces derniers jours dans des photos publiées sur Instagram. Par l’entremise d’avocats, elle a déclaré avoir « récemment visité trois pays européens pour des vacances avec une amie. Je lui ai demandé de poster quelques photos sur l’internet pour prouver aux militants que je peux voyager où je veux ». « J’espère maintenant pouvoir vivre ma vie en paix, sans être surveillée par les médias. Et je vous remercie tous pour votre sollicitude », a-t-elle ajouté. La campagne « Free Latifa », établie à Londres, s’était réjouie lundi dans un communiqué de « voir que Latifa semble avoir un passeport, voyager et jouir d’une plus grande liberté ».

Avec l’Agence France-Presse