(Erevan) Le dirigeant de l’Arménie, Nikol Pachinian, a accusé jeudi l’armée azerbaïdjanaise d’avoir violé la frontière arménienne et de chercher à conquérir de nouveaux territoires, alors que le regain de tensions entre ces deux pays ennemis jurés inquiète les États-Unis et la France.  

« C’est une infiltration subversive », a lancé M. Pachinian lors d’une réunion extraordinaire de son conseil de sécurité, selon des propos cités dans un communiqué officiel.

Lors de cette réunion, il a affirmé que les troupes azerbaïdjanaises s’étaient avancées de trois kilomètres à l’intérieur des frontières arméniennes au sud et qu’elles voulaient « faire le siège » du lac Sev, partagé entre les deux pays.

Dénonçant un « empiètement » sur le territoire de l’Arménie, M. Pachinian a indiqué que l’armée arménienne avait réagi avec des « manœuvres tactiques appropriées ».

Selon lui, ces tensions doivent néanmoins être réglées par voie diplomatique.

Bakou a rejeté ces accusations, qualifiées de « provocantes ».

« Les gardes-frontières prennent des positions qui appartiennent à l’Azerbaïdjan dans les districts de Lachin et Kalbajar », a réagi le ministère des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan dans un communiqué tard jeudi.

La réaction de l’Arménie, « qui fait des annonces provocantes, est ahurissante », souligne le ministère, ajoutant que Bakou « est attaché à apaiser les tensions dans la région et appelle à des mesures en ce sens ».

« Retrait immédiat »

L’Azerbaïdjan et l’Arménie se sont affrontés à l’automne 2020 pour le contrôle de la région indépendantiste du Nagorny Karabakh, un conflit qui s’est soldé par plus de 6000 morts et une défaite d’Erevan, qui a dû rétrocéder d’importants territoires à Bakou.

Malgré un cessez-le-feu signé sous l’égide de Moscou et le déploiement de soldats de la paix russes, les tensions persistent dans la région. Le mois dernier, les deux pays se sont accusés mutuellement d’avoir ouvert le feu dans le Nagorny Karabakh.

Région à majorité arménienne, le Nagorny Karabakh avait fait sécession de l’Azerbaïdjan à la dislocation de l’URSS, entraînant une première guerre ayant fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés.

Les États-Unis ont annoncé jeudi suivre « de près » ce « regain de tensions » frontalier.

« Nous sommes informés que les deux parties communiquent et exhortons à la retenue pour favoriser une désescalade pacifique de la situation », a tweeté le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.

De son côté, le président français Emmanuel Macron s’est entretenu au téléphone avec M. Pachinian, selon ses services jeudi soir.

« Le président de la République a rappelé l’attachement de la France à l’intégrité territoriale de l’Arménie et marqué la nécessité d’un retrait immédiat des troupes azerbaïdjanaises du territoire arménien », a indiqué la présidence française dans un communiqué.

« Détérioration »

Jeudi, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s’est pour sa part entretenu par téléphone avec son homologue azerbaïdjanais Djeyhoun Baïramov de « la détérioration de la situation » à la frontière entre Bakou et Erevan.

Selon le ministère russe des Affaires étrangères, les deux diplomates ont souligné la « nécessité d’un respect strict du cessez-le-feu » et d’une résolution des incidents par voie diplomatique.

Contactés par l’AFP, les ministères arméniens de la Défense et des Affaires étrangères n’ont pas commenté les annonces de Nikol Pachinian.  

M. Pachinian est actuellement premier ministre par intérim, depuis sa démission fin avril pour permettre la tenue de législatives anticipées le 20 juin.

Au pouvoir depuis 2018, Nikol Pachinian est depuis sous la pression de l’opposition qui l’accuse de trahison.