(Ottawa) Le chef de l’alliance militaire de l’OTAN propose que les États membres soient indemnisés pour le déploiement de troupes dans certaines missions de l’alliance, affirmant qu’il est injuste que des pays comme le Canada doivent assumer tous les coûts lorsqu’ils participent à des opérations qui profitent à l’ensemble de l’organisation.

Tout de même, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, dit qu’il s’attend également à ce que tous les membres, y compris le Canada, respectent leurs engagements d’augmenter les dépenses de défense pour faire face à l’instabilité croissante dans le monde.

M. Stoltenberg a fait ces commentaires lundi matin lors d’une conférence de presse virtuelle à Bruxelles, avant une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, où son projet de payer les pays qui envoient des troupes à l’étranger sera l’un des nombreux sujets de discussion.

Les ministres de la Défense devraient également discuter de l’avenir de l’Afghanistan et de l’Irak, où le Canada a lentement retiré ses troupes après près de sept ans de combat contre Daech, ainsi que de la menace posée par la Chine et la Russie.

Ce sera la première réunion du genre depuis l’investiture du président américain Joe Biden, qui a suscité de grands espoirs sur la possibilité de relations plus harmonieuses entre l’alliance transatlantique et la Maison-Blanche après quatre années difficiles sous Donald Trump.

Le Canada serait gagnant

Le Canada bénéficiera de toute initiative visant à indemniser les membres pour ce que l’OTAN décrit comme des « activités essentielles de dissuasion et de défense » sur le territoire de l’alliance, notamment le déploiement de centaines de soldats en Lettonie.

M. Stoltenberg a souligné les contributions du Canada en Lettonie, où l’armée canadienne dirige un groupement tactique de l’OTAN dont la mission est de dissuader l’agression russe dans la région, en présentant sa proposition comme une question d’équité.

« Je crois fermement que ce serait juste si le pays qui a déployé des troupes ne couvrait pas tous les coûts, mais que l’OTAN, que nous payons ensemble, que nous finançons ensemble, couvre plus des coûts », a expliqué M. Stoltenberg en réponse à une question de La Presse Canadienne.

« Nous devrions augmenter le financement des activités de dissuasion et de défense comme le groupement tactique dirigé par le Canada en Lettonie avec nos budgets de l’OTAN, car nous avons maintenant un système où les pays qui fournissent les troupes assument également tous les coûts. »

M. Stoltenberg affirme que la prise en charge par tous les membres des coûts des déploiements renforcerait les liens entre les 28 États membres de l’alliance et reconnaîtrait que certains pays fournissent régulièrement des troupes aux missions.

La proposition du chef de l’alliance ne s’appliquerait pas aux déploiements canadiens à l’extérieur des frontières de l’OTAN, dont sa contribution pour aider à former l’armée irakienne.

Le Canada encore loin de l’objectif

Ces dernières années, l’OTAN a en grande partie évalué si les pays contribuent à la force de l’alliance en mesurant leur cotisation par rapport à une promesse que tous les membres ont fait en 2014 de consacrer 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense.

Pourtant, même si le Canada s’est joint à d’autres membres pour accepter cet objectif, il a constamment dépensé moins de 1,5 % de son PIB pour l’armée et n’a aucun plan pour atteindre le seuil de 2 %. Au lieu de cela, il a plaidé pour que les contributions soient mesurées autrement, notamment en tenant compte de la participation des membres aux missions de l’OTAN.

Le bureau du ministre de la Défense, Harjit Sajjan, s’est montré évasif lorsqu’il a été interrogé sur la proposition lundi.

« En ce qui concerne l’utilisation du financement commun pour soutenir les déploiements de l’OTAN, nous attendons avec impatience de discuter de la vision OTAN2030 du secrétaire général Stoltenberg lors de la conférence ministérielle de la Défense de l’OTAN plus tard cette semaine », a indiqué le porte-parole du ministre Sajjan, Todd Lane.

Pourtant, le président de l’Association canadienne pour l’OTAN, Robert Baines, a souligné que la proposition de M. Stoltenberg semble refléter l’argument d’Ottawa selon lequel l’objectif de 2 % à lui seul n’est pas un bon moyen de mesurer la contribution des pays à l’alliance.

« Et je suis sûr que le Canada s’en réjouira énormément », a soutenu M. Baines.

Toujours pas de plan

Les chiffres de l’OTAN publiés en octobre prévoyaient que le Canada consacrerait 1,45 % de son PIB à l’armée en 2020, la part la plus élevée de l’économie nationale depuis au moins une décennie.

Pourtant, bien que cela reflète en partie les récentes augmentations des dépenses de défense, c’est aussi à cause des dommages économiques causés par la COVID-19, alors que le gouvernement libéral n’a pas de plan pour atteindre l’objectif de 2 % dans les décennies à venir.

Et ce, malgré les pressions répétées de l’OTAN et des gouvernements américains successifs, dont celui de M. Trump.

« Nous apprécions l’augmentation des dépenses de défense que nous avons constatée au Canada, a affirmé M. Stoltenberg. Je m’attends à ce que cela continue. »