(New York) Des millions d’Américains risqueront de s’exposer à la COVID-19 en allant voter en personne le 3 novembre prochain. Pourtant, en Estonie, le vote en ligne existe depuis 15 ans. Une solution avantageuse pour tenir des élections en temps de pandémie.

Joseph Kunz, homme de 27 ans résidant à Manhattan, a hésité plus longtemps pour décider comment voter que pour qui voter.

« J’ai décidé d’aller voter en personne puisque je voulais être certain que mon vote compte », dit celui qui travaille dans le milieu des finances.

Marqué par les affirmations du président Donald Trump suggérant que les votes par la poste seraient frauduleux, Joseph Kunz fait partie de plusieurs millions d’Américains qui s’armeront de masques et de gants pour aller voter directement aux urnes, plutôt que par la poste.

La pandémie m’inquiète, mais j’ai encore plus peur que mon vote ne soit pas compté, car il pourrait être considéré comme frauduleux.

Joseph Kunz

Les États-Unis auraient peut-être intérêt à s’inspirer de l’Estonie, ce petit pays où le vote se fait de façon électronique — et sans heurts — depuis 15 ans.

Une renaissance numérique

Pour voter dans le pays balte, Jason E. Medina, un Américain installé en Estonie depuis 2007, n’a qu’à prendre sa carte d’identité numérique, s’identifier à l’aide de codes envoyés par téléphone, puis choisir le candidat. Le tout prend, selon lui, moins d’une minute.

Politique à part, je trouve la situation aux États-Unis ridicule, voire médiocre. Un pays aussi évolué et puissant ne devrait jamais faire face à un tel problème en 2020.

Jason E. Médina

Après avoir gagné son indépendance de l’Union soviétique en 1991, l’Estonie a dû faire beaucoup avec peu de ressources pour bâtir ses institutions gouvernementales, et c’est pourquoi le pays d’à peine 1,3 million d’habitants s’est tourné vers le numérique.

Pour ce faire, le gouvernement estonien a accompagné ses citoyens avec un programme national d’éducation numérique et le vote en ligne a débuté en 2005. Depuis, il ne cesse de gagner en popularité : aux dernières élections européennes, 44 % des votes ont été remplis en ligne. Et ce, avec des économies de 50 % sur le vote en chair et en os, selon une étude de l’Université de technologie de Tallinn.

Selon la présidente de l’Estonie, Kersti Kaljulaid, le système estonien peut être reproduit, mais doit être adapté : « Chaque pays a sa propre culture, a-t-elle dit en 2017. Les gouvernements doivent trouver les bonnes solutions qui vont convaincre les citoyens d’utiliser les moyens numériques. »

Une foule de services

Le vote en ligne fait partie d’un ensemble de services gouvernementaux numériques en Estonie, qui comprend les soins de santé, les impôts, et même les banques et l’achat d’une maison. Il y a aussi des robots qui vont faire la livraison de repas à domicile et des autobus sans conducteur.

« Tout est toujours en train d’évoluer ici, on essaie toujours de s’améliorer, remarque Jason E. Medina. Aux États-Unis, on est bloqué avec la même idéologie : on connaît un système [le vote en personne], et on le garde. »

Cyber (in)sécurité

Comme tout moyen de vote, que ce soit en personne ou par la poste, il est impossible de garantir que le vote en ligne est 100 % sécuritaire, selon Liisa Past, conseillère en chef en cybersécurité en Estonie. En 2013, un groupe de chercheurs américains s’est rendu en Estonie et a découvert des failles majeures dans le système de vote en ligne, qui ont été corrigées depuis. Malgré tout, en 15 ans, le système électoral n’a jamais été compromis.

Ceux qui ne font pas confiance au vote en ligne ont d’ailleurs toujours l’option de voter par la poste ou en personne.

« Je vois le vote en ligne comme un parmi plusieurs moyens d’exercer son droit démocratique », explique Liisa Past. Un moyen qui figure encore aux abonnés absents aux États-Unis.