(Stepanakert) Les combats entre Arméniens et Azerbaïdjanais pour le Nagorny Karabakh faisaient toujours rage vendredi, de nouvelles frappes azerbaïdjanaises ayant touché la principale ville de la région séparatiste et Bakou répétant sa détermination, même si Erevan a entrouvert la porte d’une médiation.

Parallèlement, la France a accusé la Turquie d’envenimer la situation en envoyant, selon elle, des « djihadistes » de Syrie pour combattre avec les Azerbaïdjanais. Des accusations démenties par Bakou et qu’Ankara n’a pas officiellement commentées.

Mais selon les décomptes de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), au moins 28 combattants pro-Ankara ont péri depuis le début des hostilités.  

Vladimir Poutine, sans accuser directement la Turquie, a exprimé pour la première fois sa « profonde préoccupation » quant à leur présence supposée au Karabakh, lors d’un entretien avec le premier ministre arménien Nikol Pachinian.

PHOTO MINISTÈRE ARMÉNIEN DE LA DÉFENSE VIA AP

Un militaire arménien en direction des positions azerbaïdjanaises à la frontière de la République autoproclamée du Haut-Karabakh.

Témoignant de la recrudescence des combats, Stepanakert, 50 000 habitants environ, a été de nouveau touchée par des frappes dans la soirée, forçant les habitants à se réfugier dans les caves ou des abris, selon un correspondant de l’AFP.

Un responsable séparatiste, Grigori Martyrossian, a assuré aux journalistes que « des bâtiments publics, résidentiels et des infrastructures » ont été endommagés, ajoutant toutefois qu’il n’était pas question d’évacuer la ville.

Un autre haut-représentant du Nagorny Karabakh, Artak Beglarian, a précisé à la presse que « pour la première fois, Stepanakert a été touchée par des systèmes de missiles lourds » et fait état de dix blessés dans la ville.  

Dans un communiqué, la diplomatie arménienne a amorcé vendredi une timide ouverture, se disant prête à « s’engager » avec les trois pays chargés de la médiation, France, États-Unis et Russie, pour « rétablir un cessez-le-feu ».

Mais au sixième jour des affrontements, les hostilités n’ont qu’une issue selon Bakou : le retrait arménien du Nagorny Karabakh, région azerbaïdjanaise majoritairement peuplée d’Arméniens et qui a fait sécession à la chute de l’URSS.

« Si l’Arménie veut voir la fin de cette escalade, […] l’Arménie doit mettre fin à l’occupation », a déclaré à la presse Hikmet Hajiyev, conseiller de la présidence azerbaïdjanaise.

« Pas de peur »

« Il n’y a pas de peur, mais de la fierté […] Des négociations, c’est de la foutaise, il faut une capitulation » affirme Arkadi, 66 ans, un habitant de Stepanakert.

Dans le district de Fizouli, côté azerbaïdjanais, les enfants ont été évacués des localités proches du front, selon un photographe de l’AFP, et beaucoup d’hommes sont volontaires pour combattre.

« Nous n’avons pas peur, on n’a pas beaucoup de blessés », soutient Anvar Aliev, 55 ans, un chauffeur de taxi appelant à « reprendre nos terres ».

Les deux camps ont dénoncé des bombardements ayant touché des zones civiles. Les séparatistes ont aussi accusé l’Azerbaïdjan d’avoir détruit un pont reliant l’Arménie au Karabakh.

Le Comité international de la Croix Rouge s’est inquiété dans un communiqué du sort des civils, « pris entre deux feux », relevant que de nombreuses familles, « incluant des bébés et des jeunes enfants, passent des jours et des nuits à s’abriter dans les sous-sols non chauffés ».

Il évoque aussi « des centaines de maisons et des infrastructures civiles comme les écoles et les hôpitaux détruits par l’artillerie lourde ».

Vendredi, la porte-parole de la diplomatie arménienne a de nouveau affirmé que « l’armée turque combat aux côtés de celle de l’Azerbaïdjan », ce que rejettent les intéressés.

Une intervention directe turque constituerait un tournant majeur et une internationalisation de ce conflit dans une région où de multiples puissances sont en concurrence : Russie, Turquie, Iran, pays occidentaux…

Les deux camps ont largement ignoré les multiples appels de la communauté internationale à faire taire les armes, tel celui vendredi du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, réclamant « une fin immédiate des hostilités ».

La Russie, la puissance régionale, entretient des relations cordiales avec les belligérants, deux anciennes républiques soviétiques, mais elle est plus proche de l’Arménie qui appartient à une alliance militaire dominée par Moscou.

Le Kremlin a aussi des relations compliquées, mais pragmatiques avec M. Erdogan. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s’est entretenu dans la soirée avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, les deux hommes disant leur « préoccupation » concernant l’arrivée de combattants venus de Syrie ou de Libye.

Revendications contradictoires

Emmanuel Macron a lui parlé avec Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilhan Aliev et a « réitéré les appels à un cessez-le-feu », selon l’Élysée.

Le Nagorny Karabakh a fait sécession de l’Azerbaïdjan, entraînant une guerre au début des années 1990 qui avait fait 30 000 morts. Le front est quasi-gelé depuis, malgré des heurts réguliers, jamais aucun traité de paix n’ayant été signé.

Militairement, aucun des deux camps ne semble avoir pris l’avantage sur l’autre, chacun revendiquant des succès démentis par l’autre. Vendredi, Erevan a assuré que l’armée azerbaïdjanaise « a échoué à percer les défenses arméniennes », Bakou disant avoir pris des positions et forcé les Arméniens à la retraite.

Selon les bilans très partiels communiqués depuis dimanche, 190 personnes sont mortes : 158 soldats séparatistes, 13 civils arméniens, et 19 civils azerbaïdjanais. Bakou ne communique pas ses pertes militaires.

Le bilan pourrait cependant être bien plus lourd, l’Arménie affirmant que 2650 soldats azerbaïdjanais sont morts quand Bakou dit avoir tué 2300 militaires adverses.