(Paris) Le déconfinement se poursuit en Europe avec la décrue de la pandémie de coronavirus, notamment pour la France qui a annoncé jeudi la réouverture des cafés et la levée des restrictions de déplacement, contrastant avec la situation en Amérique latine et aux États-Unis qui comptent désormais plus de 100 000 morts.

« La liberté enfin va redevenir la règle et l’interdiction constituera l’exception », a déclaré jeudi le premier ministre français Edouard Philippe, annonçant, à la faveur de « bons » résultats sanitaires, la réouverture notamment des cafés et des restaurants à partir du 2 juin, quoiqu’avec des restrictions, en particulier à Paris.

Au même moment, une flambée de nouveaux cas en Corée du Sud et au Sri Lanka illustre les risques de résurgence de la pandémie.

Apparue en décembre en Chine, elle a fait plus de 355 000 morts, et plus de 5,7 millions de malades ont été diagnostiqués dans le monde, selon un décompte établi par l’AFP à partir de sources officielles.

Les États-Unis ont passé mercredi la barre des 100 000 morts, sur près de 1,7 million de cas, selon le décompte de l’Université Johns Hopkins, qui y fait autorité.  

Les experts, dont l’immunologiste Anthony Fauci, conseiller de la Maison-Blanche, s’accordent pour dire que ce bilan officiel est vraisemblablement en dessous de la réalité.

« Un deuil commun »

Commentant le franchissement de ce terrible seuil, le candidat démocrate à la présidentielle de novembre, Joe Biden, a déclaré : « Il y a des jours dans notre Histoire si sombres, si déchirants, qu’ils sont pour toujours gravés dans nos cœurs comme un deuil commun ».

Après avoir tweeté et retweeté plus d’une quarantaine de fois sur d’autres sujets depuis le franchissement de ce seuil, sans y faire allusion, le président Donald Trump a, plusieurs heures après, présenté jeudi ses condoléances aux proches de ces 100 000 morts.

Selon une moyenne de plusieurs modèles épidémiologiques réalisée par des chercheurs de l’université du Massachusetts, le nombre de décès devrait avoisiner les 123 000 morts dans le pays d’ici le 20 juin. La Maison-Blanche table sur une estimation comprise entre 100 000 et 240 000 morts.

Jeudi, une flambée de nouveaux cas en Corée du Sud et au Sri Lanka ont ravivé les inquiétudes sur la possible « deuxième vague » de contamination, que redoutent tous les pays.  

En Corée, 79 nouveaux cas ont été détectés en une journée, chiffre le plus élevé depuis le 5 avril. Les plus de 4000 personnes y travaillant ont été mises à l’isolement et testées.  

Les autorités coréennes, dont la réponse à la pandémie a été érigée en modèle d’efficacité, ont immédiatement rétabli des restrictions qu’elles avaient récemment levées.

« Les deux prochaines semaines seront cruciales pour prévenir la propagation de l’infection dans la zone métropolitaine », a déclaré le ministre de la Santé Park Neug-hoo, annonçant des mesures de quarantaine « jusqu’au 14 juin », et envisageant en cas d’échec de « revenir à la stricte distanciation sociale ».

Au Sri Lanka, des mesures ciblées de confinement vont être remises en place pour interdire notamment les grands rassemblements, après que 252 Sri Lankais d’un groupe de 460 rentrés dans la semaine du Koweït ont été déclarés positifs.

De nouveaux cas ont également été découverts dans une base navale, près de Colombo, où 771 marins et leurs proches ont été testés positifs, soit plus de la moitié des 1469 cas recensés au niveau national.

Le mouvement inverse est à l’œuvre en Europe, où cependant plus de 175 000 personnes ont déjà succombé à la maladie.

A la faveur d’indicateurs à la baisse dans tous les pays, le mouvement de déconfinement s’accélère, afin de redonner aux populations plus de liberté de mouvement et surtout de commencer à relancer des économies exsangues.  

La Commission européenne a dévoilé mercredi un plan de relance exceptionnel de 750 milliards d’euros, le plus grand jamais visé par les 27. Il faudra cependant en négocier les termes : certains gouvernements veulent des subventions aux États, d’autres uniquement des prêts remboursables.

Les premiers bénéficiaires en seraient deux pays particulièrement endeuillés par la pandémie, l’Italie et l’Espagne.

En France, le premier ministre a détaillé la 2e phase du plan de déconfinement. Dès le 2 juin seront levées les restrictions de déplacements à l’intérieur du pays et cafés, bars et restaurants, fermés depuis le 15 mars, pourront rouvrir sous conditions, sauf en région parisienne où seules les terrasses pourront accueillir des clients.

Le même jour, musées et monuments seront autorisés à rouvrir partout en France. Le masque y sera obligatoire, comme dans les théâtres et cinémas qui resteront néanmoins fermés en région parisienne. Piscines et salles de sport vont également rouvrir progressivement.

Les établissements scolaires du pays rouvriront progressivement en juin.

Mais les rassemblements restent limités à 10 personnes maximum, les évènements culturels et sportifs restent donc suspendus.

Les pays du sud de l’Europe, où le tourisme représente une part importante du PIB, annoncent également les uns après les autres la fin des mesures restrictives.

Rome plaide pour que le 15 juin soit adopté dans toute l’UE comme date de réouverture des frontières intérieures. Paris s’y est dit jeudi favorable.

Record au Pérou

Au Brésil par contre, l’urgence reste de tenter de contrôler la pandémie, ce que le géant sud-américain n’a pas su faire jusqu’ici. Le pays a dépassé mercredi pour la cinquième fois 1000 morts en une journée (1086 mercredi).

Pourtant l’État de Sao Paulo, poumon de l’économie brésilienne, a annoncé « la reprise raisonnée de certaines activités économiques » à partir de lundi. Les hôpitaux de cet État sont actuellement dangereusement proches de la saturation, mais ce redémarrage sera affiné selon la situation sanitaire de chaque municipalité.

Le Pérou voisin, entre autres pays latino-américains durement touchés, a battu mercredi son record de décès (195).

Dans toute l’Amérique latine, la pandémie se propage notamment dans les bidonvilles où des millions d’habitants sont dans l’impossibilité de respecter les mesures préventives, au risque de mourir de faim.

La Russie de son côté a dépassé jeudi le seuil des 4000 décès officiellement dus au coronavirus, et annoncé voir se confirmer le ralentissement du nombre quotidien de nouvelles contaminations.

Mais à Saint-Pétersbourg, deuxième ville du pays et deuxième site le plus touché après Moscou et sa région, de nombreux malades du coronavirus continuent d’affluer, selon plusieurs sources.

« Les hôpitaux sont pleins à craquer. Je ne crois pas trop aux chiffres officiels, ça ne correspond pas à qu’on voit tous les jours », a déclaré à l’AFP une ambulancière, Natalia, sous couvert de l’anonymat.

Dans le secteur du transport aérien, saigné à blanc avec des avions cloués au sol dans le monde entier, la compagnie britannique EasyJet a annoncé jeudi la suppression de 4500 postes, soit le tiers de ses effectifs et la compagnie nationale koweïtienne le licenciement de 1500 expatriés, soit 25 % de son personnel étranger.  

Dans l’automobile, Nissan a annoncé la fermeture de son usine de Barcelone, qui emploie quelque 3000 personnes.