En plus de devoir composer avec les risques d’infection, un nombre croissant de travailleurs de la santé affectés à la lutte contre la pandémie de COVID-19 sont confrontés à des menaces ou à des agressions liées à leur pratique.

L’organisation non gouvernementale Insecurity Insight, qui collige des informations sur le climat sécuritaire en vue de guider le travail humanitaire, relève dans un récent rapport que ce type d’incident est en hausse globalement.

La banque de données colligée à cet effet montre que la peur de la propagation du nouveau coronavirus est une source importante de tensions ayant mené à de la violence dans plusieurs États au cours des derniers mois.

Dans la ville de Chennai, en Inde, un groupe d’une soixantaine de personnes s’en est pris le 29 avril à des travailleurs de la santé qui voulaient enterrer un neurochirurgien mort de la COVID-19 en leur lançant des pierres.

Une situation similaire est survenue dans l’État de Michoacan, au Mexique, le même jour. Une infirmière a été assaillie par un homme furieux l’accusant de propager le nouveau coronavirus.

Dans plusieurs pays, le port de vêtements médicaux est désormais déconseillé dans les transports en commun par crainte de susciter des réactions hostiles.

Insecurity Insight rapporte que certains chauffeurs d’autobus au Panamá refusent de laisser monter les travailleurs de la santé. Et que ceux qui réussissent à se trouver une place sont souvent insultés.

Parfois, ce sont les forces de l’ordre chargées de faire respecter les mesures de confinement imposées par les États qui sont responsables des agressions recensées.

À Katmandou, au Népal, trois médecins résidents qui cherchaient à regagner leur domicile après leur quart de travail ont été assaillis par des policiers.

En Irak, un travailleur de la santé qui avait demandé qu’un représentant des forces de l’ordre souffrant de fièvre subisse un test de dépistage a subséquemment été battu par l’individu en question.

Censure

La demande d’équipements de protection appropriés — qui pose problème dans de nombreux pays — peut aussi mener à des ennuis avec la police.

Un oncologue indien travaillant dans le Bengale-Occidental l’a appris à ses dépens au début du mois d’avril après avoir dénoncé sur ses comptes Facebook et Twitter le fait que certains travailleurs de la santé avaient reçu des « imperméables » pour se protéger contre le nouveau coronavirus.

Le ministère de la Santé l’a remercié en ligne de relever la situation, ce qui n’a pas empêché subséquemment la police de l’amener dans un poste pour être interrogé. Il a été relâché au bout d’une dizaine d’heures après avoir été contraint de s’excuser pour ses écrits.

Le médecin a dû ensuite s’adresser à un tribunal pour récupérer son téléphone. Le juge au dossier a relevé que le gouvernement ne pouvait répondre à des allégations embarrassantes en cherchant à intimider la personne qui les relaie.

La même problématique de censure s’est posée dans plusieurs pays depuis le début de la pandémie, relevait lundi Joseph Amon, spécialiste en santé publique rattaché à l’Université Drexel, aux États-Unis, dans The Lancet.

Les travailleurs de la santé, dit le spécialiste, ont besoin dans le contexte actuel de plus que du matériel de protection pour pouvoir assurer leurs tâches.

« Ils ont aussi besoin que leurs droits soient respectés, incluant le droit de dire ce qu’ils pensent et d’être protégés contre toute forme d’attaque, d’intimidation gouvernementale, de harcèlement ou d’arrestation », plaide M. Amon.

Ses propos font écho à ceux du Conseil international des infirmières, qui dit avoir reçu dans les dernières semaines des rapports « très inquiétants » sur la violence faite aux infirmières et aux travailleurs de la santé luttant contre la COVID-19.

« Quelles que soient les raisons pour ces agressions, qui résultent d’après moi de la désinformation ou de l’ignorance, les infirmières sont confrontées à des risques accrus alors que leurs communautés ont besoin d’elles plus que jamais », déplore le président de l’organisation, Howard Catton.