(Washington) Entre les rivalités américano-européennes sur un futur vaccin et de nouvelles tensions entre Donald Trump et la Chine, les divisions entre grandes puissances se sont approfondies jeudi dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 qui a désormais fait plus de 300 000 morts dans le monde.

Outre les ravages humains, le coronavirus continue de mettre à bas les économies mondiales.  

Près de 3 millions de personnes se sont inscrites au chômage en une seule semaine aux États-Unis, qui compte désormais 36,5 millions de chômeurs — près de 15 % de la population activedepuis l’arrêt brutal de l’économie mi-mars en raison des mesures de confinement pour endiguer la progression du virus dans le pays.   

Pour stopper l’hémorragie, le président Trump assène qu’il est temps de « retourner au travail », alors que la moitié des États américains ont commencé à reprendre une partie de leurs activités commerciales.

La récession a déjà frappé de nombreux pays : en Italie, des millions de « nouveaux pauvres » ont fait leur apparition et en Inde, le confinement a provoqué un exode de travailleurs migrants, petites mains des grandes villes privées de leur gagne-pain.

Mais la solution que tous attendent est un vaccin contre le virus apparu en décembre en Chine.  

Au vu des efforts déployés, celui-ci pourrait être disponible dans un an, a estimé jeudi l’Agence européenne du Médicament (EMA). Il s’agit d’une perspective « optimiste », a nuancé Marco Cavaleri, directeur de la stratégie à l’EMA, dont le siège est à La Haye.

Plus de 100 projets ont été lancés dans le monde et une dizaine d’essais cliniques sont en cours pour tenter de trouver un remède contre la maladie, qui a fait 300 140 morts et contaminé 4 403 714 personnes sur la planète, selon un nouveau bilan.

Convoitises

Mais le sujet aiguise les convoitises et les rivalités.

Le géant pharmaceutique français Sanofi a provoqué l’indignation en Europe en annonçant qu’il distribuerait un éventuel vaccin en priorité aux États-Unis, qui ont investi 30 millions de dollars pour soutenir ses recherches.

Le président français Emmanuel Macron a réclamé qu’un vaccin ne soit pas soumis « aux lois du marché » tandis qu’un porte-parole de la Commission européenne a estimé : il « doit être un bien d’utilité publique et son accès doit être équitable et universel ».

Un vaccin ou un traitement contre la COVID-19 devrait même être fourni « gratuitement à tous », insistent plus de 140 personnalités, dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le premier ministre pakistanais Imran Khan dans une lettre ouverte.

Car la maladie frappe durement les plus pauvres.

« La contamination peut être incontrôlable », explique  Luis Fernando Guispert, un habitant de Villa 31, un bidonville de Buenos Aires où la pauvreté ne permet guère de respecter le confinement. Comme dans les favelas du Brésil, la multiplication des cas de coronavirus fait craindre le pire : « Soit tu meurs du coronavirus, soit tu meurs de faim », dit-il.  

Vaccin ou pas, « ce virus pourrait devenir endémique » et « ne jamais disparaître », selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Quant à l’essai clinique Discovery lancé en Europe fin mars pour trouver un traitement à défaut de vaccin, il piétine, ont indiqué des chercheurs.

Deux nouvelles études, publiées dans la revue médicale britannique BMJ, concluent que l’hydroxychloroquine, traitement tant décrié, ne semble pas efficace contre la COVID-19.

« Diffamation »

À Washington, Donald Trump s’est de nouveau emporté contre la Chine, accusée d’avoir caché l’ampleur de l’épidémie sur son sol.

« Ils auraient pu l’arrêter (le virus) en Chine, d’où il est venu », a-t-il dit jeudi, en menaçant de « rompre toute relation » avec Pékin et en assurant qu’il refusait désormais de parler à son homologue Xi Jinping.

La Chine affirme avoir transmis le plus vite possible toutes les informations sur l’épidémie à l’OMS et à d’autres pays, dont les États-Unis.

Pour Washington, le régime chinois tente également de pirater la recherche américaine sur un vaccin, une accusation qualifiée de « diffamation » par Pékin.

Dans l’attente que les recherches aboutissent, les gouvernements assouplissent les mesures de confinement.

Au Japon, l’état d’urgence a été levé jeudi dans la plupart des régions face au net reflux du nombre de nouveaux cas de COVID-19. Il est maintenu notamment à Tokyo et Osaka.

En Europe, qui paie un lourd tribut avec plus de 162 600 morts, ce sont les petits Finlandais qui ont repris le chemin de l’école.

Aux États-Unis, pays le plus touché au monde avec 85 813 morts dont encore environ 1800 sur les dernières 24 heures, les plages autour de Los Angeles, en Californie, ont rouvert. À l’inverse, la capitale Washington, où la pandémie tarde à reculer, a prolongé le confinement jusqu’au 8 juin.

Les autorités chiliennes ont elles remis en vigueur le confinement à Santiago, où les cas ont augmenté de 60 % en 24 heures. La ville déblaie aussi de nombreuses tombes dans son cimetière général, le plus grand du pays, pour éviter d’avoir recours aux fosses communes en cas d’augmentation des décès.  

Dépistage en Russie

En Russie, deuxième pays le plus touché pour les contaminations — plus de 250 000 — mais qui maintient n’avoir enregistré qu’un peu plus de 2300 morts et s’en prend aux journaux New York Times et Financial Times pour leur « désinformation » sur la question, le président Vladimir Poutine a estimé jeudi que la situation s’améliorait.

Alors que près de 10 000 contaminations ont été détectées en 24H dans le pays, la mairie de Moscou a annoncé un plan de dépistage d’une ampleur « unique au monde ».

En Chine, des habitants de Wuhan, berceau de la COVID-19, faisaient eux aussi la queue jeudi pour se faire dépister. « C’est bien. C’est une façon d’être responsable vis-à-vis des autres et de soi-même », a déclaré à l’AFP un homme de 40 ans.

Jilin, dans la province éponyme frontalière de la Corée du Nord, a placé mercredi ses habitants en confinement partiel après de nouveaux cas faisant craindre une deuxième vague épidémique.

L’Afrique est jusqu’à présent relativement épargnée par la pandémie, qui y a officiellement fait moins de 2500 morts. Mais les indices indiquant que ce bilan est fortement sous-estimé se multiplient.

Dans le nord du Nigeria, pays le plus peuplé du continent, la hausse des décès inexpliqués fait craindre la propagation du coronavirus dans cette région parmi les plus pauvres au monde.

Le pays est en outre fragilisé par sa forte dépendance à la production de pétrole, dont les prix ont chuté.

Et le Soudan du Sud, l’un des plus pauvres du monde à peine sorti de six ans de guerre civile, a annoncé son premier décès officiel de la COVID-19, « une personnalité de haut rang » qui n’a pas été identifiée.