Ouvrir le robinet petit à petit : c’est l’image que le Dr Horacio Arruda a utilisée pour illustrer une reprise graduelle des activités au Québec. Ailleurs dans le monde, après des mois de mesures visant à aplatir la fameuse courbe, les différents gouvernements commencent à assouplir les restrictions. Avec la crainte, toujours, d’un nouveau flot difficile à contenir.

Hokkaido fait marche arrière

L’île d’Hokkaido est une précurseure au Japon : elle a été la première à déclarer l’état d’urgence à la fin de février. Les mesures ont duré trois semaines. Des enquêtes minutieuses ont été menées pour identifier et isoler les contacts de personnes infectées par la COVID-19. Les restrictions – tout de même moins sévères au Japon que dans plusieurs pays, puisqu’un grand nombre de commerces sont restés ouverts – ont porté leurs fruits : le déconfinement a commencé dès la fin de mars et les élèves sont retournés en classe au début du mois d’avril. Mais les yeux sont maintenant tournés vers Hokkaido, qui connaît actuellement une nouvelle hausse du nombre de cas, forçant l’île à faire marche arrière.

Pour l’immunologue Tatiana Scorza, professeure au département de sciences biologiques à l’UQAM, il ne s’agit pas d’un échec, mais d’un effet prévisible. « L’idée, c’est que si on cesse le confinement, c’est normal qu’il y ait une hausse des cas, dit-elle. Ce qui est impossible à prédire, c’est l’ampleur. » D’où l’intérêt de procéder de façon « très graduelle », précise-t-elle.

La recette sud-coréenne

Depuis le début de la pandémie, la courbe de la Corée du Sud suscite l’envie partout dans le monde ; le pays a réussi à garder un nombre de cas peu élevé, qui se sont échelonnés dans le temps. Au point que Séoul a annoncé jeudi n’avoir enregistré aucun nouveau cas de transmission, une première en plus de trois mois. Sa stratégie a été de dépister de façon massive ses habitants et de retracer tous les contacts de personnes infectées. Une quarantaine stricte de 14 jours est aussi imposée aux personnes arrivant de l’étranger – sous peine de prison. L’historienne Laurence Monnais, directrice du Centre d’études asiatiques de l’Université de Montréal, attribue le succès de plusieurs pays asiatiques aux leçons laissées par les épidémies. Le port du masque, répandu en Asie, n’est pas une question de spécificité culturelle, souligne-t-elle par exemple. « Porter un masque est peut-être plus ancré dans la culture, mais ce n’est pas juste ça, nuance-t-elle. La culture, elle naît de quoi ? D’expériences épidémiques et de contagions. On s’est rendu compte que ce type de mesure était efficace. » L’importance de la préparation, comme le stockage de masques et les formations, sont d’autres enseignements, avance-t-elle.

PHOTO LEE JIN-MAN, ASSOCIATED PRESS

Depuis le début de la pandémie, la courbe de la Corée du Sud suscite l’envie partout dans le monde.

L’Allemagne a adopté des stratégies similaires en procédant à des tests massifs rapidement et en retraçant les contacts des malades, devenant « indéniablement le pays d’Europe qui a le mieux performé », souligne Pierre Fournier, doyen de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. La remontée du nombre de cas après un assouplissement ? « C’est attendu », note M. Fournier. Il rappelle qu’en l’absence de vaccin, les scientifiques jugent inévitables les vagues successives de retour de la COVID-19.

Wuhan sur le qui-vive

La Chine n’a jamais été entièrement confinée, rappelle Laurence Monnais. Toutefois, la liberté de mouvement a été restreinte dans les régions infectées de façon plus importante qu’en Occident. L’autoritarisme du pays n’est pas non plus étranger à sa capacité à soumettre sa population à des restrictions qui passeraient difficilement au Canada. Les politiques ont été mises en place rapidement à Wuhan. Malgré tout, les restrictions sur les voyages ont été levées seulement le 8 avril dans le premier foyer de la COVID-19, après 76 jours de confinement. La ville de 11 millions d’habitants n’est pas au bout de ses peines : si les mesures se sont assouplies, la peur reste bien présente.

Habitudes modifiées

Les mesures mises en place en Nouvelle-Zélande ont été plutôt strictes. Les étrangers ont été interdits d’entrée dans le pays le 19 mars, un peu moins de trois semaines après la confirmation du premier cas sur le territoire. Peu de temps après, le pays a déclaré les mesures de confinement, interdisant même la livraison de repas de restaurants. La première ministre du pays, Jacinda Ardern, a affirmé la semaine dernière que la transmission n’était plus active dans la communauté et est passée à un assouplissement graduel. Si les écoles doivent ouvrir mercredi, le gouvernement continue à demander aux gens de travailler de la maison autant que possible. Les craintes d’un retour trop rapide aux anciennes habitudes demeurent toutefois. La semaine dernière, les policiers ont dû intervenir pour disperser une large foule à Auckland, alors que les restaurants venaient de rouvrir.

– Avec la BBC, The Guardian, l’Agence France-Presse et CNN