(Bruxelles) À l’approche de la barre symbolique de 100 000 morts du coronavirus, la communauté internationale cherche des réponses économique et diplomatique à la pandémie, qui menace d’une récession planétaire un monde largement en confinement.

Plus de 94 000 personnes ont succombé à la pandémie qui, selon la patronne du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, aura « les pires conséquences économiques depuis la Grande Dépression » de 1929.

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La patronne du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva

Quelques chiffres encourageants en Europe et aux États-Unis permettent d’espérer un ralentissement prochain dans la hausse de ce décompte macabre. Pour la première fois, le nombre de patients en réanimation a légèrement baissé en France, et la situation s’est stabilisée dans plusieurs foyers épidémiques américains de la COVID-19.

Mais en l’absence de vaccin, le retour à la normale devra attendre et se fera probablement de manière graduelle, les autorités voulant à tout prix éviter une nouvelle vague d’infections.

Les mesures de confinement, qui concernent désormais plus de la moitié de l’humanité, ont un coût faramineux. Des secteurs entiers de l’économie sont paralysés, les échanges commerciaux dégringolent, le chômage s’envole.

Dans cette période « anxiogène », le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait souligné jeudi qu’« un signal d’unité et de détermination » du Conseil de sécurité, divisé depuis des semaines, « compterait beaucoup » pour atténuer les implications sur la paix de la pandémie, affirmant qu’il s’agissait « du combat d’une génération ».

Mais les 15 membres du Conseil, réunis par visioconférence dans la nuit de jeudi à vendredi pour une première session consacrée à la COVID-19, se sont bornés à apporter leur « soutien » au chef de l’ONU.

Accord à l’arrachée

L’administration américaine a en effet renouvelé jeudi ses accusations contre l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une agence onusienne, lui reprochant d’avoir « privilégié la politique à la santé publique ». Pour Washington, le manque de transparence de la Chine, où le nouveau coronavirus est apparu en décembre, a également fait perdre « un temps précieux au monde ».

Sur le volet économique, en Europe, les ministres des Finances sont parvenus jeudi à trouver un accord à l’arraché incluant 500 milliards d’euros disponibles immédiatement et un fonds de relance à venir.  Paris a salué un « excellent accord », Berlin « un grand jour pour la solidarité européenne » et la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, « un accord novateur ».

Ils n’ont pas tranché la question brûlante de la mutualisation de la dette, les « coronabonds » destinés à soutenir l’économie à plus long terme, qui divise les pays du nord et du sud de l’UE.

Les puissances pétrolières, de leur côté, tentaient vendredi de finaliser un accord de baisse de production pour soutenir les prix de l’or noir, qui se sont effondrés avec la pandémie.

Aux États-Unis, la Banque centrale a frappé un grand coup en annonçant 2300 milliards de dollars de nouveaux prêts pour soutenir l’économie. Celle-ci pourrait rebondir assez rapidement, selon les autorités monétaires.  Et la France a doublé son plan d’urgence, à 100 milliards d’euros.

« Crise alimentaire »

Dans le reste du monde, la majorité des pays n’ont pas les moyens américains ou européens. Pour la première fois en plus d’un quart de siècle, l’Afrique subsaharienne, particulièrement exposée, devrait entrer en récession en 2020, a prévenu la Banque mondiale, qui craint également une « crise alimentaire » sur le continent.

Malgré les difficultés que cela impose à beaucoup, l’Afrique du Sud, géant économique du continent, a prolongé de deux semaines l’appel à rester cloîtré chez soi.

Au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, le confinement perturbe déjà les circuits de production agricole. Après seulement une semaine, dans chaque rue, chaque quartier de Lagos, le poumon économique du pays, on entend la même litanie : « On a faim ».

En Inde aussi, les plus pauvres luttent pour survivre. « La nuit dernière, nous avons eu des rôtis (pain traditionnel indien, NDLR) avec du sel mélangé dans de l’huile de moutarde », décrit Rajni Devi, une mère de famille de la périphérie de New Delhi, qui dit s’endormir en pleurs chaque soir. « Il vaut mieux mourir qu’avoir faim comme ça. »

« Aplatir la courbe »

Bien que la planète soit claquemurée, le virus poursuit sa progression et le monde se rapproche à grands pas de la barre des 100 000 morts.

Avec plus de 18 000 décès, l’Italie est toujours le pays au monde comptant le plus de victimes. Les États-Unis occupent désormais la deuxième place de ce sinistre classement avec 16 478 morts, suivis de l’Espagne (plus de 15 000) et de la France (plus de 12 000).

Épicentre de la pandémie aux États-Unis, l’État de New York a déploré près de 800 morts en 24 heures, son pire bilan sur une journée. Mais le nombre des hospitalisations n’a jamais été aussi bas depuis le début de la crise, a relevé son gouverneur Andrew Cuomo, ce qui lui a fait dire : « Nous sommes en train d’aplatir la courbe ».

L’Espagne, l’Italie et la France relèvent aussi une tendance à la baisse de la tension hospitalière. Partout, les autorités sanitaires appellent à ne pas relâcher les efforts pour autant.

En Grande-Bretagne, 881 décès supplémentaires ont été recensés en 24 heures. Petite bouffée d’air : le premier ministre Boris Johnson, porteur du virus, a pu sortir des soins intensifs.

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En Iran, la barre des 4000 morts a été franchie, mais, selon les autorités, les derniers chiffres montrent « clairement une baisse du nombre de nouveaux cas de contamination ».  

Les soignants de tous les pays continuent de payer un lourd tribut à la pandémie : en Italie, une centaine de médecins ainsi qu’une trentaine d’infirmiers et aides-soignants sont décédés. Au Royaume-Uni, un docteur qui avait sonné l’alarme sur le manque d’équipements de protection pour les soignants a succombé au virus.

Confessions à l’auto

Les pompes funèbres, également sur le pied de guerre, regrettent que leur travail soit moins valorisé. « On a un fort sentiment d’abandon. Les soignants ont eux une sorte de reconnaissance. Pour les masques et les combinaisons, on s’est débrouillés seuls. Les autorités n’ont pas pensé à nous », constate Jean-Christophe Saels, croque-mort à Bruxelles.

Des centaines de millions de chrétiens confinés s’apprêtent de leur côté à célébrer Pâques dans des conditions inédites.  

C’est sans la présence de fidèles que le pape François célébrera la messe de la Cène, sans le traditionnel lavage des pieds, temps fort de l’année liturgique.

Des prêtres catholiques d’Acapulco, station balnéaire célèbre du Mexique, ont proposé ce Jeudi Saint aux fidèles de se confesser sans descendre de leur voiture.

Et en Bosnie, au sanctuaire marial de Medjugorje, véritable fourmilière avant Pâques, durant la semaine sainte, les panneaux intiment le « silence » à des pèlerins absents.