(Washington) Le monde se prépare à une profonde récession sous l’effet du coronavirus, à l’image de la France où le confinement va continuer au-delà de la mi-avril pour freiner la pandémie qui poursuit ses ravages, notamment aux États-Unis, le pays le plus touché en nombre de cas recensés.

La COVID-19, qui a fait plus de 86 000 morts depuis le début de la pandémie, a placé plus de la moitié de l’humanité en quarantaine et des « secteurs entiers des économies nationales ont été fermés » ou « directement touchés » par l’arrêt de l’activité, selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les échanges commerciaux devraient accuser une baisse à « deux chiffres » dans « presque toutes les régions » de la planète, a-t-elle prévenu mercredi, prédisant une contraction du commerce « probablement supérieure » à celle causée par la crise financière mondiale de 2008-2009.

Pour la Banque centrale américaine, l’incertitude liée à la pandémie fait peser un « grave danger sur les perspectives économiques » des États-Unis, selon les minutes de sa réunion à la mi-mars. Mais la Fed estimait alors que les effets négatifs seraient peut-être moins durables que ceux de la crise de 2008.

Les États-Unis ont enregistré pour la deuxième journée consécutive près de 2000 morts liées au nouveau coronavirus tandis que le monde se préparait à une profonde récession sous l’effet de la pandémie, à l’image de la France où le confinement va continuer au-delà de la mi-avril.

« Depuis le début de cette crise, nous sommes assis à la maison, plus un sou ne rentre », se lamente Mohamed Said, charpentier de 36 ans au Caire et père de trois enfants, en faisant la queue pour une distribution d’aide alimentaire.

77 jours !

La France a annoncé mercredi une baisse d’environ 6 % de son produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre, une chute historique qui marque l’entrée du pays en récession. Locomotive du continent européen, l’Allemagne table sur un recul de près de 10 % au deuxième trimestre.

Face à cette crise inédite, l’UE continue pourtant de se déchirer et ses 27 ministres des Finances ont échoué à s’entendre sur une réponse économique commune.

Le ministre italien de l’Économie Roberto Gualtiere a appelé à « la solidarité et à des choix courageux et partagés » mais l’Allemagne comme les Pays-Bas refusent de mutualiser les dettes publiques pour relancer l’économie.

Aux États-Unis, l’administration de Donald Trump a engagé de nouvelles discussions avec le Congrès pour débloquer 250 milliards de dollars supplémentaires pour préserver l’emploi. Les démocrates réclament une rallonge totale de 500 milliards.

En nombre de cas, les États-Unis sont aujourd’hui le pays le plus touché, avec plus de 400 000 contaminations. Ils ont enregistré mercredi pour la deuxième journée consécutive près de 2000 morts liées au nouveau coronavirus ; il s’agit une fois de plus du pire bilan quotidien dans le monde depuis le début de la pandémie.

Au cœur de la tourmente, l’État de New York a enregistré un nouveau record de décès (779 morts en 24 heures), mais « nous sommes en train d’aplatir la courbe », a tenté de rassurer son gouverneur, Andrew Cuomo.

Un optimisme partagé par le président Trump, qui a affirmé avoir bon espoir de voir la « lumière au bout du tunnel ».

Quant à la projection selon laquelle de 100 000 à 240 000 personnes pourraient mourir du coronavirus dans son pays, M. Trump a dit penser que les États-Unis pouvaient « faire beaucoup mieux » — à savoir bien moins.

L’Italie reste le pays le plus endeuillé avec 17 669 décès, suivie des États-Unis (14 695) de l’Espagne (14 555) et de la France (10 869, dont 541 en 24 heures).

Dans ce dernier pays, l’épidémie est « toujours très active », selon les autorités sanitaires. Pour aplanir la courbe des hospitalisations, la présidence de la République a décidé de prolonger au-delà du 15 avril les mesures de confinement en vigueur depuis la mi-mars, dans donner de nouvelle échéance.

En Grande-Bretagne, un nouveau plafond de 938 morts a été recensé en 24 heures, pour plus de 7000 en tout. La santé du premier ministre Boris Johnson, en soins intensifs depuis trois jours dans un hôpital londonien après avoir été contaminé à la COVID-19, « s’améliore » selon son ministre des Finances.

En Europe, on scrute le moindre signe d’espoir. En Espagne, si le bilan quotidien est reparti à la hausse pour le deuxième jour consécutif, les autorités affirment avoir dépassé le pic de contagion.  

Le confinement commencerait ainsi à porter ses fruits, avec comme effet une diminution de la tension hospitalière, en Espagne, en Italie et en France.  

L’Autriche, elle, a présenté mercredi un calendrier d’assouplissement prudent des restrictions, qui commencera après Pâques par la réouverture des petits commerces.

Le Danemark et la Norvège, en « semi confinement », ont aussi communiqué des dates de redémarrage.  

Mais pour l’OMS, en dépit de certains « signes positifs », tout assouplissement est prématuré.

En Chine, au contraire, des dizaines de milliers de passagers se sont rués mercredi dans les gares de Wuhan, après la levée du blocage imposé fin janvier dans cette mégapole de 11 millions d’habitants d’où est partie l’épidémie.

« Je me suis levée à 4 heures aujourd’hui. Ça fait tellement de bien ! », explique Hao Mei, une jeune femme de 39 ans qui va rejoindre ses enfants dont elle a été privée pendant plus de deux mois. « Je suis coincé ici depuis 77 jours ! 77 jours ! », s’est écrié un autre homme sur le départ.

Les contrôles sanitaires restent toutefois stricts, les autorités craignant une deuxième vague d’épidémie.

« Jouer avec le feu »

Seuls deux morts ont été recensés au cours des dernières 24 heures en Chine, pour un bilan officiel de 3333 décès. Bilan contesté notamment par les autorités américaines qui accusent Pékin d’avoir sous-évalué le nombre de victimes et contribué à la propagation planétaire du virus.

Le président Trump s’est aussi emporté contre l’OMS, jugée trop proche de Pékin, notamment en ayant refusé de fermer les frontières aux personnes provenant de Chine au début de l’épidémie. « L’OMS s’est vraiment plantée », a-t-il écrit dans un tweet, menaçant de suspendre le financement américain à l’agence onusienne.

« Ne politisez pas le virus », a rétorqué son patron, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus.  

« Vous avez beaucoup d’autres moyens de faire vos preuves », a-t-il lancé, appelant M. Trump à ne pas « jouer avec le feu ».

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a estimé que ce n’était « pas le moment » des critiques, mais celui de « l’unité » et la « solidarité pour arrêter ce virus ».

M. Guterres, qui avait appelé à des cessez-le-feu dans les pays en guerre les plus vulnérables face au coronavirus, a été entendu au Yémen.  

La coalition internationale menée par l’Arabie saoudite a annoncé l’arrêt pour deux semaines à partir de jeudi des opérations contre les rebelles Houthis dans ce pays dévasté par une guerre qui a provoqué la pire crise humanitaire au monde.